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L’histoire intemporelle du Negroni

Campari BTS 1 1 Negroni S

Dans l’univers des cocktails, chacun, où qu’il soit, a goûté un Negroni au moins une fois dans sa vie. Qu’il s’inscrive dans l’atmosphère décontractée d’un apéritif spontané, ou commandé pour clore une soirée, l’emblématique cocktail italien peut être considéré comme un pilier de la vague de mixologie actuelle. Facilement reconnaissable à sa robe rouge hypnotisante et à sa vivacité en bouche, le Negroni a effectué un voyage légendaire de la Botte à la conquête du reste du monde. Son voyage trouve sa source dans une période ancienne et aristocratique, et se poursuit entre recherche moderne et arômes éternels.

L’histoire de ce cocktail aujourd’hui omniprésent, élu The World’s Best Selling Classic Cocktail of 2022 par Drinks International, est bien connue, mais il est toujours agréable de se replonger dans ses débuts glorieux au XXe siècle. Un jeune et rebelle descendant d’une famille noble florentine, le comte Camillo Negroni, était de retour en Italie après quelques années d’aventures passionnantes à l’étranger. Il avait parcouru les prairies nord-américaines à cheval comme un cow-boy, sillonné les routes du Royaume-Uni en jouant aux jeux de hasard, et s’était aussi largement imprégné des différentes cultures de tables de chacun des pays visités. En 1919, le comte Camillo, dans le Bar Casoni de sa Florence natale, demande à son ami bartender, Fosco Scarselli, de rendre son Americano un peu plus percutant. Pour ce faire, il lui demande d’ajouter un trait de gin à la place de l’eau gazeuse à son mélange de Campari et de vermouth, qu’il avait connu et apprécié à Londres, l’une de ses villes préférées.

Scarselli hoche la tête et s’exécute, changeant ainsi à jamais les habitudes locales de l’apéritif (et celles du monde entier, par la suite). Simple, intense, intemporelle, la nouvelle recette a submergé Florence comme un tsunami, rendue encore plus reconnaissable avec la touche finale imaginée par Scarselli: une tranche d’orange délicatement posée dans le verre. Fosco s’en servait pour différencier cette nouvelle recette de l’Americano, qui affiche la même robe, et cette tranche d’agrume en forme de voile devint la signature ultime de l’emblématique Negroni.

Les clients ont rapidement commencé à demander un cocktail « à la Negroni », vite raccourci au seul nom de famille, pour commander ce nouveau mélange révolutionnaire. Une cinquantaine d’années plus tard, brillamment résistant à l’épreuve du temps, le Negroni a réussi à surmonter les jours sombres de son existence, une période où les cocktails étaient peu considérés, sans le moindre intérêt pour le goût, ni pour la culture des cocktails. Le Negroni est ainsi devenu un incontournable de l’âge d’or du clubbing. Parfaitement à sa place dans la scène glamour et rugissante des années 70, il était au menu de la plupart des établissements (en premier lieu le Studio 54) et a accompagné l’explosion de la culture des boîtes de nuit dans le monde entier.

La technologie, la formation et des perspectives nouvelles ont fini par mettre ce cocktail sous le feu des projecteurs. Des produits originaux tels que le vermouth italien (originaire de Turin dans les années 1700) ont été redécouverts au début des années 2000 grâce à des bartenders talentueux et courageux. De même, des écrivains et historiens des boissons ont mené des recherches approfondies (livres et essais tels que The Negroni : Drinking to La Dolce Vita, with Recipes & Lore, de Gary “Gaz” Regan) qui ont permis de dépoussiérer les cocktails classiques et de redonner vie aux bonnes saveurs, selon les recettes d’origine.

Devenu une recette culte pour les bartenders du monde entier, le Negroni est synonyme de cocktails de haute qualité et caractérise les plus grands bars du monde. Les bartenders cherchent ainsi à trouver leur version de la recette classique, à l’équilibre parfait, ou encore la touche innovante ultime. Des cocktails comme le Rosita, que le Regan précité a adapté d’un livre de 1978 (avec de la tequila reposado au lieu du gin, et l’ajout de dry vermouth et bitters), les expériences comme le Negroni vieilli en fût de Jeffrey Morgenthaler en 2010, et la quête sans fin du meilleur Negroni blanc sont autant de marques de l’attrait éternel de ce cocktail dans le monde du bar.

Avec le retour en grâce du Negroni, des bartenders se sont dédiés à l’ensemble de la « catégorie Negroni », ce qui démontre bien à quel point la structure du cocktail du Comte est polyvalente. Le Boulevardier (marque déposée par Campari aux côtés d’Americano et de Negroni bien sûr) contient du bourbon au lieu du gin ; il devient un Old Pal lorsqu’il contient du whisky de seigle, un Cardinale avec du vermouth dry au lieu du doux (il contenait à l’origine du vin Riesling, selon la recette créée dans un hôtel de Rome par Giovanni Raimondo dans les années 1950). Citons aussi l’heureux accident au Bar Basso de Milan, qui a vu Mirko Stocchetto remplacer le Prosecco par du gin, donnant ainsi naissance au Negroni Sbagliato en 1972. Cet enthousiasme nouveau pour le Negroni a fait apprécier aux amateurs et professionnels des cocktails un certain nombre d’autres créations.

Le Negroni est également la tête d’affiche d’une initiative remarquable qui célèbre cette année son dixième anniversaire, avec sa dixième édition : la Negroni Week, lancé par Imbibe Magazine en 2013. Au cours d’une décennie, cet événement mondial qui célèbre ce grand classique italien s’est développée au-delà des attentes. Elle concerne aujourd’hui des milliers d’établissements dans le monde entier et a levé plus de trois millions de dollars pour des associations caritatives. Pour son dixième anniversaire, la Negroni Week, qui a eu lieu du 12 au 18 septembre, a collaboré avec Campari Group et Imbibe Magazine pour soutenir un partenaire mondial à but non lucratif, Slow Food, un défenseur du développement durable, de l’équité et de l’inclusivité qui s’efforce d’améliorer les moyens de subsistance et la santé de la communauté. Son impact mondial se traduit dans son manifeste du bien, du sain et de l’équitable pour tous, et il vise à avoir un impact positif sur les secteurs de l’éducation, de l’environnement, de la biodiversité et de la culture. La Negroni Week, avec l’aide des établissements participants, est un projet phare pour accomplir cette mission. Levez vos shakers en hommage au charme sans fin et aux valeurs du Negroni.

Carlo Carnevale