Tendances - Campari Academy https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/tendances/ Fri, 06 Sep 2024 16:06:27 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://www.campariacademy.com/fr-fr/wp-content/uploads/sites/8/2023/12/cropped-Campari-stacked-white-scaled-1-32x32.jpg Tendances - Campari Academy https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/tendances/ 32 32 Découvrez la nouvelle série autour du monde du bar de Grand Marnier  https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/tendances/decouvrez-la-nouvelle-serie-autour-du-monde-du-bar-de-grand-marnier/ Fri, 06 Sep 2024 16:06:25 +0000 https://www.campariacademy.com/?p=3379 Il ne s’agit pas seulement de boissons. Le bar est cette frontière subtile qui relie les histoires, composées de personnes, d’expériences, de souvenirs et de projets. C’est un endroit où les cocktails deviennent les témoins silencieux de la magie qui se crée lorsque les idées et les histoires personnelles se croisent : des rencontres, des combinaisons inattendues, et tout ce qui entre dans leur création.

La nouvelle mini-série créée par Grand Marnier met en avant les occasions, très souvent surprenantes et inattendues, qui peuvent se présenter dans l’industrie du bar. Une série de trois épisodes, chacun représentant la rencontre de deux mondes qui, de premier abord, paraissent différents mais qui fusionnent parfaitement en un seul, tout comme l’emblématique combinaison de cognac et d’orange amère présente dans Grand Marnier.

Dans chaque épisode, Carina Soto Velasquez, bartender et propriétaire de bar de renommée mondiale, accueillera un acteur important de l’industrie du bar afin qu’ils puissent échanger leurs idées et leurs opinions sur l’hospitalité ainsi que leur conception du métier de bartender. Cette nouvelle série mettra en lumière la créativité qui jaillit de la rencontre de mondes différents, en abordant des aspects allant d’anecdotes historiques aux détails techniques, tout en incluant des histoires personnelles et des conseils utiles pour d’autres bartenders.

Originaires du Canada et des États-Unis, les trois invités mettront chacun en avant leur patrimoine local, leurs talents spécifiques et leur propre interprétation de l’hospitalité, donnant vie à cette série Grand Marnier tout en abordant les thèmes les plus importants et pertinents pour la communauté des bartenders.

Hugo Togni (gérant de bar et copropriétaire du Bar Pompette, à Toronto), Takuma Watanabe (fondateur et propriétaire de Martiny’s et de L’Americana, à New York) et Deniseea Head (fondatrice de Chicken&Champagne et de Good Trouble, à La Nouvelle-Orléans) vous feront vivre un grand voyage, grâce à leurs rencontres grandioses.

Restez à l’écoute pour en savoir plus.

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Série “Origines” : comment les propriétés médicinales de la quinine donnent naissance à des cocktails emblématiques https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/serie-origines-comment-les-proprietes-medicinales-de-la-quinine-donnent-naissance-a-des-cocktails-emblematiques/ Tue, 10 Oct 2023 08:25:00 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=2011 De son effet miracle contre la malaria à son action de catalyseur dans le gin tonic, la quinine et ses bienfaits ont conquis l’humanité depuis bien longtemps. Dans ce troisième épisode de notre série “Origines”, nous explorons ses racines et comment cet ingrédient a pris part à l’histoire du cocktail.

Nous sommes en 1638. La légende raconte que neuf années ont passé depuis les premiers pas de la comtesse de Chinchon (alias Lady Ana de Osorio) au palais royal de Lima. Épouse de Luis Jeronimo de Cabrera, le vice-roi du Pérou, lady Ana mène une vie aussi sereine que mondaine… jusqu’à ce que la malaria la frappe de plein fouet.

La nouvelle ne tarde pas à se répandre dans toute la région. Un jour, on apporte une petite fiole aux portes du palais. Celle-ci contient l’écorce moulue de ce que les shamans de Loja (Andes du nord) appellent « l’arbre des fièvres » et que le gouverneur local a jugé bon d’envoyer pour soigner Lady Ana. Une fois la poudre avalée, la comtesse recouvre vite la santé. Elle s’empresse de commander de grosses cargaisons de cette écorce et, quand son époux est rappelé à son devoir en Espagne, elle instaure l’exportation du miraculeux ingrédient. Voici, d’après la légende, comment l’élément clef d’une des boissons les plus célèbres du monde a débuté sa conquête de la planète.

D’où vient la quinine ?

La variété de la plante offerte fut baptisée Cinchona en hommage au titre de Lady Ana, et porte toujours cette appellation aujourd’hui. La Cinchona officinalis constitue l’espèce principale de cette famille végétale : elle pousse entre 1 400 et 3 000 m d’altitude, sur le versant amazonien des Andes allant du Pérou à la Bolivie, où les pluies sont abondantes et régulières tout au long de l’année. De nos jours, la culture de la quinquina a largement conquis d’autres régions du monde comme l’Indonésie et le Sri Lanka.

Parmi les autres espèces bien connues on peut citer la quinquina rouge (Cinchona pubescens), qui pousse plus au nord, jusqu’au Costa Rica, et la quinquina jaune (Cinchona calisaya). La quinquina doit ses propriétés aux alcaloïdes qu’elle contient, à savoir la quinine, la quinidine, la cinchonine et la cinchonidine. C’est la coexistence de ces éléments qui fait de cette écorce un puissant antipyrétique, antalgique, régulateur de pression artérielle et, surtout, un remède naturel contre la malaria, l’une des maladies les plus dangereuses et les plus anciennes sévissant dans les régions humides et tropicales. Ce sont les scientifiques français Pierre Joseph Pelletier et Joseph Bienaimé Caventou qui ont les premiers isolé la quinine, en 1817 (quatre ans plus tard, ce dernier découvrira également la caféine par hasard). Elle devient ensuite un ingrédient phare des traitements médicaux, en particulier pour les personnes voyageant vers l’Afrique ou l’Asie du Sud-Est, où la malaria sévit au sein des populations. On attribue à l’explorateur écossais William Balfour Baikie la découverte des bienfaits de la quinine en tant que traitement préventif, en plus de son aspect curatif, lors de son expédition au Niger en 1854.

Le rôle de la quinine dans la création d’un grand classique

L’action de la quinine consiste à dissoudre la bactérie plasmodium falciparum qui trouble la circulation sanguine et provoque les fortes fièvres. Voilà comment, environ une décennie après sa découverte « officielle », la quinine fait son entrée dans l’histoire du cocktail via le prototype d’une boisson culte. En 1857, l’Inde est intégrée au Royaume Britannique et devient l’une de ses plus importantes colonies – résultat, un nombre toujours croissant de soldats britanniques et de citoyens lambdas en quête de fortune migrent vers le sous-continent et un climat auquel ils n’étaient pas habitués, se jetant droit dans les bras mortels des maladies mentionnées plus haut.

Pour apaiser les maux des voyageurs, on conseille l’eau tonique comme remède et, en 1858, un commercial londonien du nom d’Erasmus Bond brevète le premier « tonic avec ajout de gaz ». Lourdement infusée avec de la quinine, cette eau tonique a toutefois l’inconvénient de présenter une amertume excessive, quasiment imbuvable. Mais les Britanniques conjurent le sort et adoucissent la boisson en y associant du sucre, du citron vert (qui aide également à combattre le scorbut durant les longs voyages vers l’Inde) et, bien sûr, du gin. Le gin & tonic, chouchou des foules et désormais incontournable de tous les bars, est né. D’après le Royal Botanical Gardens « la première mention du gin & tonic apparaît dans l’Oriental Sporting Magazine de 1868 qui décrit la foule exigeant cocktails et cigares à la fin d’une course hippique à Lucknow, en Inde ».

Bien qu’elle soit étroitement liée à ce cocktail emblématique désaltérant à deux ingrédients, la quinine est en fait un élément essentiel dans la création d’autres produits de base des bars. À petites doses, son amertume caractéristique confère leur profondeur à de grands classiques, comme le Dubonnet (apprécié de la reine Elizabeth II), le bitter Cynar ou encore le Barolo Chinato (apéritif italien à base de vin et d’une touche de quinine). D’un autre côté, la consommation excessive de quinine peut provoquer des effets indésirables tels que la nausée, des sifflements dans les oreilles, une vision brouillée et de la confusion. D’après les autorités de santé américaines, « dans les boissons pétillantes […] la quantité de quinine ne doit pas dépasser 83 mg/l. L’étiquette doit afficher clairement la présence de quinine, soit par l’utilisation du mot « quinine » dans le nom du produit, soit par une déclaration séparée. » Conclusion : sauf cas de malaria, à consommer avec modération.

Carlo Carnevale

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Série “Origines” : les nombreux usages des céréales dans la fabrication des cocktails https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/serie-origines-les-nombreux-usages-des-cereales-dans-la-fabrication-des-cocktails/ Tue, 10 Oct 2023 08:18:28 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=2004 Notre second épisode de la série “Origines” nous entraîne sur la piste des céréales, depuis leur rôle dans l’histoire de l’humanité jusqu’à leur transformation en bière ou en whisky.

Les céréales : minuscules et pourtant essentielles. Ces petits grains, souvent croustillants, ont entraîné le premier véritable bouleversement des habitudes humaines et ouvert la voie à l’évolution. Il y a 10 000 ans, l’humanité dépendait de la cueillette, de la chasse et de la pêche ; elle vivait de façon nomade, au gré de fréquentes migrations.

La mise en place de l’agriculture, qui exigeait du temps pour la plantation et la récolte, a poussé les populations à s’installer dans une zone définie, établissant les bases de nos sociétés modernes ; toutefois, il ne s’agissait pas uniquement de garder un œil sur les cultures, car cette nouvelle méthode de subsistance allait mener à une véritable restructuration sociale, baptisée Révolution Néolithique. Les villages qui se mirent alors à fleurir dans les régions fertiles accueillirent de plus en plus d’habitants, d’où le besoin de nouvelles structures politiques et sociales aux rôles spécifiques – les premiers rôles instaurés furent ceux en lien avec l’administration, la distribution et le commerce des céréales. On attribue aux Égyptiens la première organisation des récoltes conservées dans des silos, que leur importance plaçait juste derrière les temples.

La récolte entraîna aussi la découverte de nouveaux systèmes de conservation et de transport, en fonction du temps que les céréales mettaient à pourrir. Une fois les céréales facilement conservables et transportables, les puissances du monde de l’époque ne tardèrent pas à réaliser l’importance stratégique qu’elles représentaient pour leurs gouvernements, à la fois pour nourrir leurs soldats et leurs citoyens, et pour prospérer – nous parlons ici du blé pour l’empire Romain, du riz pour la région de la Chine ancienne et du maïs pour les dynasties mexicaines.

Avec le passage des siècles et le développement de la technologie, le commerce céréalier s’est répandu et, hélas, a souvent servi de prétexte à certaines nations pour justifier leurs politiques colonialistes et invasives, jusqu’à l’établissement de l’import-export. Néanmoins, il fallut bien des cerveaux humains pour maîtriser les compétences liées à la mouture des céréales : du mortier manuel produisant une farine épaisse et imparfaite, aux moulins à vent ou à eau actuels, capables de produire une poudre comestible quasiment impalpable.

Quelle est la différence ?

Ne vous laissez pas berner par la terminologie : bien que souvent utilisés de façon interchangeable, « céréale » et « graine » ne désignent pas la même chose. Le terme « céréale » (tiré de Cérès, déesse romaine de l’agriculture et de la moisson), désigne une plante cultivée pour ses fruits : les graines. La « graine » (« caryopse » dans sa dénomination biologique) est donc l’élément comestible de la plante. Étant donné la richesse en vitamines, minéraux, glucides, graisses, huiles et protéines de cette dernière, elle incarne probablement une des briques les plus solides de la pyramide alimentaire actuelle.

Il est toutefois d’usage de faire quelques distinctions. Les graines provenant de céréales comme le riz, le blé, le maïs, l’orge, le millet, le seigle, etc. sont souvent surnommées les « céréales principales » du fait de la généralisation de leur culture et de leur présence historique (c’est Christophe Colomb qui a rapporté le maïs en Europe à la fin du XVe – avant ça, le blé et le riz étaient les céréales les plus cultivées du vieux continent).

Les céréales se répartissent ensuite en sous-catégories, dont les « pseudo-céréales », divisées en trois familles : les polygonaceae (par exemple le sarrasin, originaire de l’Himalaya), les chenopodiaceae (dont le quinoa, très répandu dans les Andes) et les amaranthaceae (comme l’amarante, consommée au Mexique). Ces pseudo-céréales sont généralement sans gluten et très riches en protéines – et, bien qu’elles ne soient arrivées que récemment dans les assiettes occidentales, elles font partie intégrante de la cuisine de leurs régions d’origine depuis des siècles.

La graine et l’alcool

Du fait de leur richesse nutritionnelle et des vastes possibilités de production qu’elles offrent, les graines sont considérées comme les premiers ingrédients emblématiques de la civilisation moderne et, sans grande surprise, constituent le pilier sur lequel beaucoup des cocktails phares de nos bars ont bâti leur célébrité.

La fermentation, phénomène naturel, prend racine dans l’amidon contenu par les différentes graines, qui se transforme ensuite en sucre via différents processus et mène à l’obtention de boissons alcoolisées. La bière, par exemple, est fabriquée à partir d’amidon d’orge transformé en sucres par l’amylase, une enzyme présente dans les graines maltées (germées) ; le moût (le bouillon fermenté et bouilli) ainsi obtenu peut ensuite être distillé pour obtenir du whisky de malt – le bourbon et le whisky canadien étant eux fabriqués à partir de maïs et de seigle.

De son côté, le riz permet la production de saké en libérant un amidon qui, une fois associé à un champignon précis (l’aspergillus oryzae, aussi connu sous le nom de « reine des moisissures ») libère le sucre nécessaire à la fermentation – toute la famille des vins de riz, très communs en Asie, suit un processus analogue.

On retrouve des étapes similaires dans la préparation du « chicha de muko », une variante de la chicha péruvienne : au lieu de faire germer la graine, on mâche le maïs pour obtenir une pâte avec laquelle on forme de petites boules, aplaties et mises à sécher à l’air libre. Grâce à l’enzyme ptyaline, naturellement présent dans la salive, l’amidon se dégrade en un type de sucre appelé maltose. Nombre des alcools appréciés dans le monde aujourd’hui, du whisky à la vodka en passant par le gin, le shochu et le baiju, partagent une base amidonnée.

Les céréales ont beau être désormais plutôt faciles à trouver dans le monde entier, les graines ont conservé un lien étroit avec leur terre d’origine, s’imposant souvent comme colonne vertébrale des régimes alimentaires locaux. Où que vous alliez sur la planète, vous découvrirez des cultures traditionnelles spécifiques, essentielles aussi bien à la gastronomie et aux boissons locales qu’aux rituels spirituels ou religieux (bien que le vin, boisson élaborée à partir de fruit, reste le produit le plus communément utilisé pour les cérémonies).

Depuis le kvass russe fabriqué à partir de riz ou d’orge jusqu’au tongba népalais à base de millet, en passant par le mahewu sud-africain (boisson non-alcoolisée élaborée à partir de bouillie de maïs), ces graines parfois plus petites qu’un ongle ont démontré leur puissance au fil des siècles. Aujourd’hui encore, elles restent d’une importance capitale pour la vie économique et sociale de la planète – et pour la communauté des bartenders, évidemment.

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Série “Origines” : l’histoire du sucre et son rôle dans la culture du cocktail https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/serie-origines-lhistoire-du-sucre-et-son-role-dans-la-culture-du-cocktail/ Tue, 10 Oct 2023 08:05:00 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1999 Le sucre s’utilise comme monnaie d’échange autour du globe depuis plusieurs milliers d’années. Notre série “Origines” nous embarque pour un voyage éclair dans son histoire et son importance dans le monde des spiritueux et des cocktails.

« Ici en Orient, une canne à sucre peut produire du miel sans l’aide des abeilles » déclarait un marin, soldat et ami proche d’Alexandre le Grand du nom de Nearchus. Nous sommes en 360 avant J.-C. et le sucre entame sa conquête des civilisations occidentales. Pour autant, cette poudre sucrée granuleuse au nom dérivé du terme sanskrit sakkare (shakar en perse) y était déjà bien connue.

L’histoire du sucre

Probablement originaire de l’Asie du Sud-Est, la canne à sucre est cultivée en Inde depuis environ 4 000 ans. On rapporte que l’empereur perse Darius I (510 avant J.-C.) faisait régulièrement récolter les cannes afin d’obtenir un épais sirop sucré que les fermiers laissaient ensuite sécher à l’air libre et cristalliser ; le résultat servait à la fois à des fins pharmaceutiques et de conservation des aliments (pour les riches uniquement, les paysans se cantonnant au sel). Bien qu’assez peu connu des Grecs et des Romains, le sucre était néanmoins déjà suggéré à l’époque pour remédier aux maux des reins et de l’estomac.

La canne à sucre était cultivée de façon intensive en Chine, en Inde et dans le sud de la Perse (dans la zone correspondant à l’Iran actuel), où les techniques de raffinage ne tardèrent pas à se développer : de nouveaux systèmes de stockage furent adoptés afin de faciliter le transport et d’optimiser le commerce qui s’étendait jusqu’à la Palestine, l’Égypte et la Syrie. Et, tandis que des scientifiques arabes avant-gardistes perfectionnaient le traitement de la canne à sucre et le transmettaient aux colonies du royaume (sud de l’Espagne, Sicile), le sucre devint l’une des principales sources de revenus des premiers califes. Dans les années 1300, la suprématie des marchands vénitiens sur le commerce européen permit au sucre de se diffuser sur tout le continent, notamment grâce à la baisse des prix, à un nombre de plantations en croissance exponentielle et à un réseau d’exportations couvrant quasiment la moindre parcelle du monde connu. Au milieu du XVe siècle, des endroits éloignés comme Sao-Tomé-Et-Principe ou la Guinée furent atteints.

Mais en 1493, la volonté de Christophe Colomb d’exporter la canne à sucre vers Hispaniola (l’actuel Saint Domingue) ouvrit la voie à une période sombre de l’histoire, le commerce triangulaire. Les marchands européens embarquaient pour l’Afrique avec des textiles, des perles et des marchandises à échanger contre des esclaves, qu’ils envoyaient en Amérique et forçaient à travailler dans les plantations. Puis ces mêmes navires retournaient sur le vieux continent chargé de tabac, de coton et de sucre. On attribue d’ailleurs souvent aux esclaves l’élaboration des premières boissons alcoolisées rudimentaires, fabriquées à partir de mélasse (issue du raffinage du sucre) fermentée.

Le sucre devint alors un incontournable des tables de la noblesse et de la royauté : la reine Elizabeth I en était si friande que ses dents en noircirent de caries, et que son entourage dut se peindre les dents en noir pour ne pas la mettre mal à l’aise. Mais en 1806, Napoléon décréta le Blocus continental et interdit aux navires Anglais de mouiller dans les ports français ; les choses changèrent brutalement.

Face à la difficulté que représentait désormais l’importation de canne à sucre, l’Europe se tourna vers un ingrédient ancien et bien connu : la betterave, nourriture animalière depuis 25 siècles. Le scientifique allemand Franz Karl Achard parvint à convaincre le roi de Prusse de l’époque, Frédéric-Guillaume III, de financer ses recherches. Ce dernier accepta et en fut largement récompensé, car bien qu’Achard mourût pauvre et isolé, il avait défriché la voie ; ses étudiants poursuivirent ses recherches en matière d’extraction, de filtrage, de vaporisation et de déshydratation du sucre de betterave, qui, en l’espace de quelques années, devint le sucre le plus vendu en Europe. Aujourd’hui, le sucre de canne représente toujours deux tiers de la production sucrière mondiale, environ 181 millions de tonnes en 2021.

L’industrie sucrière actuelle

De nos jours, on trouve une grande variété de sucres disponibles à la vente, la distinction la plus répandue étant celle entre sucre blanc et sucre brun. Bien que la molécule (sucrose) soit exactement la même dans les deux cas, le sucre brun contient des résidus de mélasse qui lui confèrent sa coloration foncée typique ; le sucre de canne complet, quant à lui, est encore totalement pourvu de sa mélasse, ce qui explique son aspect plus épais et granuleux. La production de sucre diffère toujours selon les emplacements géographiques et chaque latitude conserve ses traditions, offrant le choix entre de nombreuses variétés de sucre, aux usages tout aussi variés.

Le panela par exemple, est très répandu en Amérique latine (panela signifie « brique » en colombien). Ce sucre de canne complet non raffiné tire son nom de la forme de brique dans laquelle il est séché, et exhale des arômes puissants. Du fait de sa texture granuleuse (il ne se transforme jamais en poudre), il sucre tout en servant d’agrément olfactif. Originaire des Philippines, le muscovado est assez similaire et dégage des notes de réglisse fumé.

On extrait également du sucre de certains palmiers (cocotiers, dattiers, palmiers à sucre), dont la lymphe est bouillie et épaissie. Communs en Afrique et en Asie du Sud-Est, ces sucres affichent une couleur allant du doré à des teintes plus sombres, comme l’Indiana Gur (de la famille du jaggery) et sa couleur ambrée, ou le gula aren indonésien, presque noir. Ce dernier prend la forme d’une pâte fragile, friable et est utilisé dans de nombreuses recettes de desserts traditionnels.

Le sucre et les origines de la culture du cocktail

L’histoire du sucre est intimement liée à celle des habitudes de boisson des êtres humains. Bien que les alcools obtenus à partir de sucre de canne représentent de véritables piliers culturels pour les bars d’aujourd’hui, leurs origines sont imprégnées de légendes, d’événements et de traditions – preuve de la connexion profonde entre ces boissons et les identités populaires. Sans le sucre, la mixologie n’existerait pas. La cachaça et le rhum sont d’ailleurs considérés comme des symboles nationaux pour des pays tels que le Brésil, Cuba ou les Antilles, région qui a assisté aux débuts de la culture de la canne il y a des siècles, et en cultive toujours aujourd’hui.

La mixologie doit beaucoup au sucre, elle aussi. D’après David Wondrich et son ouvrage Punch: The Delights (and Dangers) of the Following Bowl, le punch original (ancêtre des cocktails modernes) était confectionné à partir de Batavia Arrack, un alcool de mélasse distillé d’Indonésie (tandis que le Ceylon Arrack est produit au Sri Lanka à partir de sève de noix de coco). Puis le rhum s’est imposé comme alcool principal du punch, qui conserve toujours le sucre comme ingrédient phare.

Depuis les origines documentées de la culture du cocktail telle que nous la connaissons, le sucre a toujours joué un rôle prédominant : il faisait partie de la liste des ingrédients lorsque le terme « cocktail » a été rapporté pour la première fois dans le The Balance and Columbian Repository of Hudson, New York, en 1806. Il fait partie intégrante des recettes historiques et emblématiques, et n’a jamais cédé sa place d’élément fondamental, jusque dans nos concoctions les plus modernes.

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Pourquoi Natoora a besoin de vous pour révolutionner le système alimentaire https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/pourquoi-natoora-a-besoin-de-vous-pour-revolutionner-le-systeme-alimentaire/ Tue, 10 Oct 2023 07:56:30 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1988 Cela fait 20 ans maintenant que le distributeur de fruits et légumes Natoora célèbre l’origine des ingrédients. Clémentine Hain-Cole, la responsable formation, nous explique pourquoi les bartenders ont tout intérêt à soutenir les cultivateurs qui leurs fournissent leurs produits.

Pour Natoora, éduquer signifie donner à chacun – des écoliers aux bartenders, en passant par les chefs, les cuisiniers du dimanche et tous les autres – les compétences et les connaissances nécessaires pour avoir un impact positif sur le système alimentaire.

Il faut toutefois garder à l’esprit que chaque personne apprend à sa façon et qu’il n’existe pas de méthode de partage des connaissances universelle qui s’adapterait parfaitement à toutes les cultures, régions, langues et sensibilités. Essayer d’en appliquer une équivaudrait à nous priver nous-mêmes d’une chance d’apprendre.

La saveur, en revanche, est bel et bien universelle. Une bouchée d’une pêche Greta murie sur l’arbre, ou une gorgée de jus d’une orange Moro (à la fois sucrée et acidulée, parfaitement équilibrée) et soudain vos papilles sont aux aguets. Vous vous demandez alors pourquoi vous n’avez jamais rien goûté de tel et à partir de là, vous avez toute l’attention de votre public. Cette étincelle, c’est la base de notre mouvement d’éducation : la révolution gustative.

Oranges Green Navel à Scordia, en Sicile ; mandarines vertes, une récolte radicalement saisonnière attendue avec impatience par les bartenders et chefs de Paris, de Copenhague et Londres ; Carmelo, le spécialiste des agrumes chez Natoora.

Récit des origines

C’est ainsi que nous entamons chaque conversation, que ce soit dans la cuisine d’un restaurant avec toute sa brigade, au-dessus d’un comptoir avec le ou la bartender qui y travaille, ou au moment de demander le calme dans une classe en milieu urbain avant de procéder à une dégustation de saison.

Les questions pleuvent : d’où vient ce produit ? Pourquoi un tel goût ? Pourquoi est-il si différent du même produit acheté en supermarché ? La réponse se résume à un fait tout simple : parce que nous connaissons la personne qui l’a cultivé.

Nous avons passé près de 20 ans à construire notre propre chaine d’approvisionnement, une chaine qui met en lumière plutôt qu’elle n’efface les lieux et les personnes derrière nos aliments. C’est l’inverse du modèle conventionnel, à la recherche de toujours plus d’efficacité via l’homogénéisation de l’infrastructure, de la vie végétale et des habitudes culinaires.

Clémentine, Federico et Will en voyage d’approvisionnement chez Duncan, cultivateur biologique dans le Lancashire ; Robert Tomlinson fait partie de la poignée de cultivateurs garants des pratiques traditionnelles et de l’héritage culturel dans le triangle de la rhubarbe du Yorkshire ; Oli Baker en pleine opération de couverture de ses fraises biologiques, cultivées en pleine terre sous des serres tunnel ouvertes aux extrémités.

Des valeurs partagées

Notre modèle repose sur la création de relations directes avec les fermiers, les producteurs et les exploitants de notre système alimentaire, afin de pouvoir comprendre totalement leurs décisions et donc choisir, à notre tour, de venir renforcer le poids de ceux qui partagent nos priorités : la préservation de l’héritage culturel, la protection de nos écosystèmes et la production de nourriture aux saveurs incroyables.

Il s’agit d’individus qui s’opposent à la conformité, sauvegardent les graines, les méthodes de culture et les traditions qui définissent la diversité, à la fois humaine et environnementale. Alors, oui, parfois on ne profite de leurs produits que trois semaines dans l’année (fraises Malwina de la ferme Mora, ou lychees de Sicile), mais le simple fait de créer à partir de ces ingrédients équivaut à se réaligner avec la nature et à redécouvrir la joie de la saveur pure et inaltérée. Certaines de ces relations remontent aux débuts de Natoora, quand nous n’étions qu’une poignée de personnes à Londres. Parce que nous nous sommes servi de la saveur comme moyen de connecter nos fermiers et leurs cultures avec notre communauté, il arrive désormais de voir des bartenders et des chefs attendre le début d’une saison avec autant d’impatience que nous : les agrumes verts de Carmelo, les tomates d’hiver d’Italie et d’Espagne, la première livraison de rhubarbe forcée du Yorkshire par Robert Tomlinson. À nos yeux, cette connexion est cruciale pour réparer les ravages du système alimentaire intensif, qui repose sur la dés-éducation du consommateur et la dévaluation du travail du cultivateur.

Pêche Greta cultivée par Domenico, en Campanie (exceptionnellement riche en anthocyanines) ; fraises Malwina d’Oli Baker.

La puissance du nombre

Maintenant que notre révolution se diffuse sur trois continents et unit des centaines de cultivateurs à environ 2 000 chefs et bartenders dans un lien d’appréciation réciproque, nous avons à présent l’opportunité d’utiliser la force et la voix de notre communauté pour provoquer des changements durables. Le soutien indéfectible de notre travail par l’industrie de l’hôtellerie-restauration signifie que nous sommes capables d’épauler encore davantage nos cultivateurs.

Depuis 2004, Natoora a attribué plus de 500 000 £ à des petits cultivateurs agroécologiques sous la forme de prêts ou bourses à faible (ou sans) taux d’intérêt. Notre soutien leur a permis d’acquérir de nouvelles terres, de diversifier leurs plantations et de construire des infrastructures pérennes sans devoir compromettre leurs valeurs ou leurs pratiques. En 2021 et alors que le rapport du GIEC a propulsé la crise climatique au premier plan, nous sommes passés à la vitesse supérieure en lançant notre Farm Fund, destiné à lever des capitaux pour les fermiers ayant besoin d’aide pour se mettre en route ou pour se développer.

Une responsabilité incroyable repose sur les épaules de ces individus – sécurité alimentaire, biodiversité, santé des sols, régulation climatique – et il est vital d’afficher notre solidarité, à la fois pour la santé de notre environnement et pour celle de l’humanité tout entière. Alors, que pouvez-vous faire pour les soutenir ? Recherchez le goût, et exigez que les autres en fassent autant.

Clementine Hain-Cole

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Moches mais bons : derrière le bar, faites place aux ingrédients imparfaits https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/moches-mais-bons-derriere-le-bar-faites-place-aux-ingredients-imparfaits/ Tue, 10 Oct 2023 07:47:41 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1977 Le mouvement de réhabilitation des aliments moches mène la lutte contre le gâchis alimentaire mondial et il reste beaucoup à faire. Dans cet article, découvrez les conséquences du gaspillage alimentaire sur la planète, et comment vous pouvez prendre part à la solution.

Quand on pense au périple enduré par les fruits et les légumes, depuis la ferme jusqu’au comptoir et à la table des restaurants, on est loin d’imaginer la rigueur des contrôles qu’ils subissent. Car il se trouve qu’en plus des critères sanitaires et de sécurité obligatoires, les fruits et légumes n’ont d’autre solution que de se soumettre à des exigences cosmétiques très strictes s’ils veulent être autorisés à être vendus au grand public.

Pour vous donner quelques exemples : d’après les réglementations européennes, une pomme doit peser au moins 90 g, une fraise doit mesurer 18 ou 25 mm de diamètre selon sa catégorie, un citron doit contenir au moins 20 % de jus, une noix doit respecter un certain pourcentage d’humidité, un poivron ne doit pas être grillé par le soleil, et jusqu’en 1998, un concombre devait afficher une inclinaison de 10 mm tous les 10 cm (règle désormais révoquée). Et il ne s’agissait que de quelques cas parmi d’autres.

De toute évidence, le marché américain est dominé par l’esthétique : les produits doivent à la fois présenter une forme absolument « normale » et ne pas afficher la moindre imperfection s’ils veulent atteindre les étals. Pourtant, il arrive encore que cela reste insuffisant (où qu’on se trouve sur la planète), car une fois les critères légaux remplis, la satisfaction des consommateurs entre en jeu… et c’est reparti pour un nouveau tour de vis. Conséquence, les grossistes effectuent un tri supplémentaire et mettent de côté tous les produits qui ne séduiront pas. Où ces produits jugés insatisfaisants finissent-ils ? Malheureusement, vous avez déjà deviné la réponse : à l’exception d’une petite proportion destinée au recyclage, le reste terminera à la poubelle.

Une vue d’ensemble

D’après l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), 1,6 milliard de tonnes de nourriture produite dans le monde finit à la poubelle chaque année ; ce qui équivaut grosso modo à un tiers du total des marchandises générées par la planète (évalué à la valeur ahurissante de $160 milliards). « Si on stockait tout le gaspillage alimentaire dans des bennes de 20 m2, on aurait besoin de 80 millions de bennes, soit assez pour couvrir la distance de la terre à la lune et en faire un tour complet », expliquait The Guardian en 2016.

Si les implications économiques du problème sont probablement les premières à nous venir à l’esprit, elles ne sont malheureusement pas les seules. Impossible, pour commencer, de minimiser la question morale : on estime à presque 830 millions le nombre de personnes menacées par la famine (données de l’ONU data, 2021), sachant que la pandémie récente n’a fait qu’empirer la situation et que ça n’empêche toujours pas 33 % de notre nourriture de pourrir, intouchée.

Pour couronner le tout, l’environnement lui-même pâtit du gaspillage alimentaire. Il y a dix ans, la FAO nous mettait déjà en garde (FAO was pointing out almost 10 years ago) : « si on représentait le gaspillage alimentaire en tant que nation, celle-ci serait la troisième plus gosse émettrice de gaz à effet de serre, juste derrière la Chine et les États-Unis », du fait des quantités de surface, d’énergie, d’eau et d’autres ressources nécessaires à la production, au traitement et à la destruction de tous ces aliments (les décharges alimentaires dégageant du méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le monoxyde de carbone). Si rien n’a changé en une décennie – la situation ayant même eu tendance à empirer – un mouvement s’amorce pour combattre ces habitudes nuisibles.

Stop au gaspillage alimentaire

The ugly movement (Moches mais bons)

Le ugly movement a vu le jour au milieu des années 2010 en Australie avant d’essaimer en Europe et de donner naissance à des associations, à des groupes et à de véritables entreprises dans un effort collectif pour redistribuer la nourriture qui ne satisferait pas aux normes des supermarchés ou des revendeurs habituels. Ces nouveaux acteurs se sont directement focalisés sur deux points : la valeur nutritionnelle des aliments moches (souvent qualifiés de façon moins directe d’« imparfaits ») et leur prix de vente, souvent divisé par deux.

Lancée en 1987 comme chaîne de déstockage des supermarchés, la marque australienne NQR (Not Quite Right) s’est donné pour mission de vendre les produits en surstock, dont la date de péremption approche ou dont l’emballage a été modifié – afin d’éviter à des aliments parfaitement comestibles de finir à la poubelle. Depuis sa création en 2008, la plateforme danoise Stop Wasting Food s’est imposée comme principal porte-parole à but non lucratif de la cause, en s’impliquant dans du travail bénévole, de la formation, de la communication et des interventions actives sur le sujet du gaspillage alimentaire. Elle est désormais membre de la plateforme de l’UE sur les pertes et le gaspillage alimentaires, travaille en collaboration avec les Nations Unies et contribue à des initiatives comme la distribution des doggy-bags. Le projet portugaisFruta Freia a vu le jour à Lisbonne en 2013 avant de se diffuser dans de nombreuses autres villes du pays. Les producteurs locaux vendent leurs fruits et légumes imparfaits (trop petits, trop gros, trop difformes) à l’organisation, qui les répartit en deux tailles de colis alimentaires et les vend aux consommateurs associés à la coopérative (pour une contribution annuelle de 5 €) à un prix oscillant ensuite entre 4 et 7,50 € selon la taille du colis. L’entreprise italienne NaturaSì a ouvert un système de vente interne afin de permettre à ses employés d’acheter les produits imparfaits ou en excédent, à des prix réduits, et a également instauré un réseau avec des organisations dédiées pour que ces produits soient redistribués à des citoyens défavorisés.

NaturaSì

Comme un changement dans l’air

Les gouvernements eux aussi commencent à s’intéresser de plus près au problème. Suite aux premiers pas effectués au cours du conseil de 2016, l’Union Européenne a établi ses Objectifs de développement durable, notamment dans le « but de réduire de moitié le gaspillage alimentaire par habitant au niveau des consommateurs et de la vente au détail d’ici à 2030, et de réduire les pertes alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement ».

En 2020, l’Italie a approuvé une loi accordant des exemptions d’impôt aux personnes effectuant des dons alimentaires, qu’il s’agisse d’entreprises ou de citoyens particuliers (en 2016, le pays avait autorisé le don régulier d’aliments aux églises et associations caritatives), ainsi que des programmes éducatifs dans les écoles ; en France, les détaillants ont l’interdiction de jeter la nourriture et l’obligation de collaborer avec des ONG qui viennent en aide aux personnes dans le besoin ; tandis que les législations des états américains de Californie, du Connecticut, du Massachusetts, de Rhode Island, de New York et du Vermont interdisent le gaspillage alimentaire. Tous les cas évoqués ici mentionnent les aliments imparfaits, prouvant que, même aux niveaux les plus élevés, le problème est enfin pris au sérieux.

Que puis-je faire ?

En tant qu’acteur de l’hospitalité, l’achat d’ingrédients moches va bien au-delà de la simple lutte contre le gaspillage alimentaire. Jus, confits, pulpes, toutes sortes de préparations peuvent être obtenues à partir de produits imparfaits et offrir un résultat équivalent (voire meilleur !) à celui des aliments aux normes du marché. Après tout, dans l’Union Européenne, le calibre minimum des oranges sanguines a longtemps été établi à 53 mm… alors que les plus petites sont réputées pour leur incroyable concentration de saveurs !

Mais l’impact de vos choix de consommation sur la communauté dans son ensemble va encore plus loin. Rejoindre l’une des nombreuses organisations qui se consacrent aux produits moches s’accompagne de nombreux bénéfices. 

Par exemple, vous pouvez :
– Soutenir les producteurs locaux, ce qui leur garantit un revenu supplémentaire auquel ils n’auraient pas accès autrement
– Économiser de l’argent en rendant votre entreprise plus durable, économiquement parlant
– Intégrer un réseau de professionnels qui partagent vos valeurs et votre volonté d’impact positif
– Diminuer votre propre gaspillage alimentaire en rejoignant des projets comme l’initiative danoise Too Good to Go, qui permettent des achats plus accessibles et aux conséquences environnementales réduites…

Ils ont beau être moches, les fruits et légumes imparfaits méritent toute notre attention.

Carlo Carnevale

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Les cocktails classiques : amis ou ennemis des saveurs du futur ? https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/les-cocktails-classiques-amis-ou-ennemis-des-saveurs-du-futur/ Tue, 10 Oct 2023 07:37:52 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1971 Bien maîtrisées, les bases des cocktails classiques constituent une véritable boîte à outils pour les bartenders. Mais comment s’en inspirer pour créer des cocktails contemporains qui favorisent l’émergence de nouvelles saveurs, sans qu’elles ne deviennent un frein ? s’interroge Tyler Zielinski.

Au moment de la renaissance du cocktail contemporain (dans les années 90-2000), Dave Arnold et tous les autres illuminés de la technologie culinaire n’avaient pas encore laissé leur marque sur l’industrie du bar. Avant que les évaporateurs rotatifs, centrifugeuses et autres homogénéisateurs à ultrasons ne s’emparent du devant de la scène et n’offrent aux bartenders les outils et les techniques permettant de créer des boissons ultra-conceptuelles, les cocktails relevaient principalement d’une question de tradition, de simplicité et d’uniformité.

Les jus d’agrumes frais remplaçaient les mélanges acides artificiels sortis tout droit des années sombres du cocktail ; les sirops étaient simples mais suffisants ; et la plupart des cocktails proposés sur les menus relevaient d’itérations modernes de recettes classiques, de légères variations des classiques, ou des recettes classiques, tout simplement. À cette époque, les bartenders cherchaient avant tout à légitimer l’industrie et l’art du cocktail, en se réappropriant des recettes datant de « l’âge d’or » américain (soit la période précédant la prohibition). Pour leur grande majorité, les ingrédients de ces cocktails sortaient donc de la réserve, et non pas de la cuisine.

Vingt ans plus tard, et tandis que les cocktails ont évolué et pris un virage résolument gastronomique, l’état d’esprit de certains bartenders est demeuré old school, et beaucoup n’hésitent pas à répudier toute recette qui aurait le malheur de s’éloigner un peu trop d’un modèle ou d’une formule classique – et donc difficile à reproduire. Ce qui nous amène à la question suivante : est-ce que la fétichisation de la culture du cocktail et de son histoire, ainsi que le désir de relier les boissons à des structures classiques ne serait pas un frein à la créativité et à la croissance de l’industrie dans son ensemble ? Est-il plus important pour les bartenders modernes de construire de nouveaux profils de saveurs, de respecter les formules fondatrices, ou les deux sont-ils complémentaires et essentiels ?

Ces interrogations ne sont pas étrangères à la plupart des bartenders chevronnés qui naviguent le paysage du cocktail actuel et mettent en œuvre des programmes de formation dans leur(s) établissement(s). Nous leur avons donc demandé leur opinion sur le sujet.

Maitriser d’abord pour mieux détourner ensuite

Ezra Star

« Pour casser les codes, vous devez d’abord les connaître » nous explique Ezra Star, bartender et propriétaire du Mostly Harmless à Hong Kong, quand on évoque l’importance de la compréhension des cocktails classiques pour développer des boissons qui repoussent les limites et laissent la part belle aux saveurs. « J’ai l’impression que trop de bartenders pensent pouvoir s’amuser et bidouiller des cocktails – dans l’absolu, ce n’est pas complètement faux – et pourtant c’est une approche très limitée à long terme [dans la mesure où la cohérence est aléatoire et où la compréhension du fonctionnement interne de la boisson tend à faire défaut] ».

Une des principales qualités de tout bon bar à cocktail qui se respecte est sa capacité à créer des boissons équilibrées et à les préparer avec rapidité et constance. Et d’après Ezra Star, les cocktails classiques apportent précisément aux bartenders les connaissances et les compétences nécessaires, car ils leur permettent une meilleure compréhension des structures et de l’équilibre entre acidité et douceur, amertume et umami, etc. Comprendre les classiques revient à comprendre les fondements mêmes de la saveur et de l’équilibre. Rien de surprenant, donc, à ce que les autres bartenders interrogés approuvent à l’unanimité la vision de Star sur le sujet.

Leo Robitschek, le vice-président de la restauration du NoMad London, est lui aussi persuadé de l’importance de maitriser les classiques et de comprendre les étapes basiques de la préparation des grandes familles de cocktail, mais insiste sur le fait qu’il s’agit de cadres permettant de créer des recettes originales, et non pas de structures immuables. « Si vous ne comprenez pas ce que chaque ingrédient apporte à la recette, alors vous serez incapable de créer des cocktails délicieux et équilibrés, avec régularité. Pour garantir cet équilibre et cette constance, ne laissez jamais un classique vous empêcher d’élaborer le meilleur cocktail possible – effectuez toujours les ajustements nécessaires en matière de sucre, d’acidité, d’amertume, d’arôme et de texture. » Dans ce cas, les cocktails classiques deviennent des modèles fluides, à personnaliser et à adapter.

Leo Robitschek

Façonner la créativité

Ces bartenders expérimentés ont beau reconnaître l’importance de la compréhension des recettes classiques, ils tiennent tous à préciser que les formules standardisées ne doivent en aucun cas museler la créativité, mais plutôt donner aux professionnels les outils pour repousser encore plus loin les limites de leurs concepts. Cette perspective est partagée par la majorité des bartenders ayant évolué avec la culture du cocktail et embrassé la fusion entre gastronomie et cocktails, contrairement aux professionnels restés focalisés sur l’association cocktails – style de boisson (par ex : daisy, fix, cobbler, sour).

Cet état d’esprit suranné se retrouve particulièrement dans les lieux dotés d’une culture du cocktail classique puissante et bien ancrée, où la façon de penser et les programmes de formation à destination des professionnels du bar ne laissent que très peu de place à l’innovation – contrairement à des endroits comme Singapour, par exemple, où l’expérimentation et l’expression créative mènent la danse. Dans les premiers, la culture du bar tend à s’homogénéiser et les bartenders ne disposent pas des techniques culinaires nécessaires pour développer des ingrédients et des concepts de cocktails ultra-savoureux, en dehors du carcan des structures classiques.

« Voilà la réalité du terrain : la majorité des bartenders s’est longtemps référée et inspirée du même matériel de base, ce qui a entraîné l’apparition d’une monoculture du cocktail et de ses inévitables répétitions », nous a expliqué Chris Tanner, le manager général du Silverleaf Bar à Londres. Et le système de mentorat en place transmet ces philosophies et techniques de bar de génération en génération, reproduisant cette monoculture de façon cyclique.

« Je n’ai jamais eu de mentor dans le monde du cocktail, explique Robitschek, donc en 2005, lorsque j’ai commencé à développer mes modules de formation à l’Eleven Madison Park, j’ai mis la main sur tous les livres de cocktails classiques à ma disposition et préparé toutes les recettes qui me semblaient pertinentes ou intéressantes. Hélas, elles n’étaient pas aussi savoureuses que prévu, probablement car les palais et les ingrédients ont bien changé… Donc j’ai joué avec différentes versions des recettes, jusqu’à trouver celles qui me convenaient. »

Construire les fondations

Chez les bartenders de New-York, où on accorde énormément de valeur aux cocktails classiques, le parcours d’autodidacte de Robitschek, façonné par son approche du développement des saveurs et sa façon de former les talents, fait figure d’exception. « Chaque année, on ne manque pas de revisiter toute recette classique ou NoMad sur laquelle un membre de l’équipe aurait un doute. On teste à l’aveugle les changements suggérés vs la version validée, et on ajuste au besoin. La plupart du temps, la recette demeure inchangée, mais il arrive qu’on la modifie ou qu’on joigne nos forces pour en créer une nouvelle, meilleure. »

Une fois que les bartenders comprennent mieux comment certaines saveurs s’équilibrent ou se mettent en valeur, tout cocktail axé sur le goût et ultra-conceptuel s’ancre, de fait, dans les fondations classiques. « Chez Silverleaf (où les cocktails repoussent les limites de la technique et du goût), le développement des cocktails a beau sembler uniquement basé sur les saveurs, nous n’aurions jamais atteint ce niveau sans avoir préalablement compris comment équilibrer les menus avec différents styles de cocktails et de saveurs, explique Tanner. Lorsqu’on s’appuie sur le savoir-faire des cocktails passés, développer des recettes cultes devient plus simple à chaque fois. Et s’il arrive qu’on soit uniquement guidé par une saveur, je pense que trouver un classique auquel la relier permet un développement plus en profondeur. »

Tel est justement le cas du cocktail Ananas|Miso (élaboré chez Silverleaf et sélectionné pour le titre de Cocktail de l’année 2022) qui associe whisky 13 ans d’âge, beurre noisette, bourbon, ananas et caramel de miso. Si on est clairement ici dans l’héritage direct et l’aspect du Old Fashioned, le cocktail défie la structure classique en apportant la subtile acidité et la richesse umami de l’ananas, relevées par le caramel de miso – sachant que la boisson finale est clarifiée afin d’obtenir une texture tout en finesse.

Tanner s’est donc emparé du modèle Old Fashioned classique – dont il a appris tous les secrets à l’époque de son passage chez Milk & Honey, à Londres – et l’a magnifié pour le plus grand plaisir des papilles actuelles. Pourtant, sans la connaissance des bases de la structure de la boisson originale par Tanner et son équipe, cette recette aurait facilement pu manquer de structure et d’équilibre – ce qui est monnaie courante dans les bars avant-gardistes où la formation classique fait parfois défaut. Mais cette méthode marie la créativité du goût et de la technique à la connaissance approfondie des classiques, pour donner naissance à une boisson exceptionnelle qui vaut le détour à elle seule.

Le Pineapple Miso chez Silverleaf

Le fossé des connaissances

Tanner tient toutefois à insister sur l’importance, pour les bartenders, de connaître parfaitement les produits commerciaux à leur disposition – ce qui s’apprend facilement lorsqu’on débute comme commis de bar, avant de créer des ingrédients originaux dans la cuisine ou le laboratoire.

On en revient au point de Star sur les bartenders qui testent leurs petites expériences. S’ils ne se sont pas familiarisés au préalable avec la vaste gamme d’ingrédients à leur disposition – des eaux-de-vie aux liqueurs amères, en passant par tout le reste – les professionnels du bar courent le risque de tenter de développer un ingrédient à la saveur très proche d’un produit commercial existant (et très probablement meilleur que celui en cours d’élaboration artisanale sur un coin de table). Ce genre de mésaventure est bien trop fréquent chez les bartenders ayant fait l’impasse sur l’apprentissage des bases classiques.

Il est crucial de s’ancrer dans les classiques, dans les ingrédients des recettes classiques et dans les principes clés du travail au bar efficace. Seules des fondations solides permettent ensuite d’expérimenter des cocktails et des ingrédients culinaires innovants – après tout, il faut savoir marcher avant d’apprendre à courir.

Tyler Zielinski

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Série “Supply chain” : les conseils de Sooji Im pour s’approvisionner en thé de qualité https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/serie-supply-chain-les-conseils-de-sooji-im-pour-sapprovisionner-en-the-de-qualite/ Tue, 10 Oct 2023 07:31:58 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1966 Dans le premier opus de notre nouvelle série sur la chaine d’approvisionnement des boissons, Sooji Im, la fondatrice du jardin et magasin de thé coréen be-oom, à Londres, explique les conditions nécessaires à la production de thé de (vraiment) bonne qualité.

Le thé, une des denrées les plus appréciées du globe, celle qui a provoqué des guerres entre nations et déclenché la révolution industrielle britannique, est présent absolument partout – dans votre placard ou celui de votre entreprise, dans les chambres d’hôtel ou sur les chariots de boisson et de snacks des trains, j’en passe et des meilleures. Pas une journée ne passe sans que la bouilloire ne soit mise à contribution.

Quand il s’agit de « bon » thé en revanche, pas toujours évident de savoir de quoi on parle, ni où le trouver. Personnellement, je m’intéresse au thé coréen et à lui seul, mais en matière d’approvisionnement de qualité, les règles sont les mêmes partout.

L’endroit

Le thé partage avec le vin l’importance du rôle joué par son terroir. On englobe généralement dans le terme « terroir » le climat, la terre, l’altitude et la latitude particulières de la zone de culture du théier. Le climat à lui seul ayant un impact non négligeable, aussi bien sur la survie de la plante que sur le développement des saveurs et des arômes. En règle générale, le théier s’épanouit sous des climats humides et chauds (21-29 °C), aux pluies abondantes. Et, à l’instar des humains, une petite touche de stress le pousse à développer son caractère unique.

L’altitude joue un rôle important dans la mesure où elle influence le climat local – les régions de haute altitude présentent généralement un climat complexe (brume, variations de température au fil de la journée, vent, pluie, etc.) qui agit comme un facteur de stress sur les plantes. Le thé cultivé à haute altitude développe donc un arôme distinct, unique, tandis que le thé cultivé sous un climat constant offrira un goût relativement « plat ».

Le goût du théier varie énormément en fonction du terroir. Les deux régions coréennes où je me fournis, Boseong et Hadong, situées le long de la côte sud, jouissent de l’environnement idéal – la région présente des collines et montagnes, entourées de rivières et riches en minéraux naturels. La température moyenne à la saison de la cueillette oscille entre 10 et 27 °C, avec des pluies abondantes.

Les personnes

On constate souvent que les cultures de thé sont implantées dans des régions spécifiques : si le terroir joue évidemment un rôle crucial, les ressources et compétences humaines sur le territoire n’en sont pas moins importantes. Les compétences en culture et en traitement (soit la cueillette, le flétrissage, l’oxydation, le roulage et la dessiccation) des cultivateurs impactent grandement le goût du thé. Ces compétences sont généralement transmises de génération en génération, chaque famille ayant sa propre « recette » et donc son propre thé.

Voilà pourquoi j’aime m’approvisionner auprès d’exploitations familiales, en place depuis plusieurs générations. Par exemple, une des exploitations de thé avec laquelle je travaille, à Boseong, est tenue par la quatrième génération de la famille, et se spécialise dans le thé vert ; une autre ferme familiale auprès de qui je me fournis, à Hadong, est en place depuis trois générations et applique une recette unique de balhyocha (thé oxydé), dont le parfum et le goût rappellent fortement le chocolat noir.

Même au sein d’un même établissement, il arrive que la saveur du thé varie d’année en année, et de récolte en récolte (la récolte de printemps étant la première de l’année) – encore une caractéristique commune avec le vin, bien que dans le cas du thé, il soit conseillé de le consommer dans l’année de production (à l’exception du puerh). Personnellement, j’aime goûter les thés juste après la récolte (vers avril) pour commencer ma sélection annuelle.

La qualité

En quoi le goût d’un bon thé va-t-il différer de celui d’un thé de supermarché ? me demanderez-vous. Eh bien, pour faire très simple, avec un bon thé vous n’avez besoin ni de lait, ni de sucre. Son arôme et ses saveurs sont puissantes et uniques, et il n’aura définitivement pas besoin d’être aromatisé. Si certaines entreprises ajoutent tout de même des parfums naturels ou artificiels aux feuilles, il est généralement admis qu’un bon thé se suffit à lui-même.

À mes yeux, le bon thé offre une douceur unique qui vient vous napper l’arrière de la gorge après la gorgée – on appelle ça le « hui gan » (retour de douceur). Rien à voir avec le sucre, mais plutôt avec une sensation délicate et agréable qui s’attarde dans la bouche, avec un arôme unique et propre au thé. La prochaine fois que vous buvez une gorgée de votre thé préféré, fermez les yeux, inspirez profondément et prenez le temps de voir si vous percevez un retour de douceur et d’arôme – comme vous le feriez avec un bon verre de vin ou de whisky.

Le thé de qualité n’est pas dur à trouver… si vous le cherchez bien. La première étape consiste à consulter le dos de l’emballage afin de connaître sa provenance et de comprendre ses spécificités. Mais au final, c’est surtout une question de préférences personnelles. Un thé a beau être le préféré d’une personne, il ne sera pas forcément votre tasse de thé.

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Série “Supply chain” : Anette Moldvaer et l’approvisionnement en café éthique https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/serie-supply-chain-anette-moldvaer-et-lapprovisionnement-en-cafe-ethique/ Tue, 10 Oct 2023 07:27:44 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1958 Dans ce second article de la série consacrée aux chaines d’approvisionnement, l’autrice et consultante en café Anette Moldvaer vous indique les questions à vous poser avant de laisser entrer des grains de café dans votre établissement.

L’industrie spécialisée du café consacre énormément de temps à éduquer et à guider ses consommateurs entre les spécificités des produits proposés à la vente, la très large gamme de saveurs existantes, les différents niveaux de qualité et les variations de prix. D’ailleurs, de nos jours, la plupart des adeptes de café sont capables de citer les deux principaux types de café, soit l’arabica et le robusta. Avec ses 75 % de part du marché, le premier est considéré comme le plus savoureux, tandis que le second offre un profil gustatif boisé et terreux – et contient davantage de caféine. De nombreuses variétés d’arabica sont cultivées : bourbon, pacamara et SL28 (pour ne citer qu’elles), présentent chacune des qualités gustatives intrinsèques (douceur sucrée pour le café bourbon ; puissantes saveurs ponctuées de notes végétales pour le pacamara ; notes fruitées et acidulées, intensité aromatique pour le SL28).

Anette Moldvaer

Le traitement des cerises de café

Si le parcours du fruit au grain de café vert peut emprunter différentes routes, il se divise grosso modo en trois techniques principales : les cafés séchés, les cafés honey ou pulp-natural et les cafés lavés. Le café séché consiste à mettre à sécher les cerises entières pour obtenir un goût fruité, tropical et puissant, une note sucrée et une texture épaisse. Les cafés honey / pulp-natural sèchent au soleil une fois leur peau externe retirée – bien que les grains restent enveloppés d’une couche de mucilage protecteur (dit le miel). Ce café est généralement doux et légèrement fruité, et présente un goût plus « propre » que le café séché. Pour les cafés lavés, on retire la peau des cerises avant d’immerger les grains (toujours enveloppés de leur pulpe) dans des réservoirs remplis d’eau, où ils fermentent jusqu’à ce que la pulpe se désagrège et puisse être rincée. Le café lavé présente un corps délicat et un goût souvent acidulé et net.

Transporter le café du point A au point B

La chaine d’approvisionnement s’avère souvent longue et tortueuse, car les grains de café passent entre de nombreuses mains avant d’atterrir dans celles du consommateur. Or si le terme « intermédiaire » comporte son lot de connotations, il s’agit dans la plupart des cas d’une nécessité car peu de cultivateurs disposent du volume, des équipements ou de la licence qui leur permettrait de vendre directement à un torréfacteur. Pour vous donner une idée, on trouve parmi les cultivateurs de café aussi bien des fermiers à qui les quelques caféiers plantés dans le jardin fournissent un revenu saisonnier d’appoint, que des propriétaires d’exploitations gigantesques qui contrôlent chaque étape du processus et passent des contrats directement avec les torréfacteurs et les établissements. Certains cultivateurs vendent les cerises fraîchement récoltées, comme n’importe quel fruit ou légume, tandis que d’autres prennent en charge une partie du traitement (le trempage ou le séchage par exemple), seuls ou via une coopérative. Il arrive que les plus grosses exploitations possèdent aussi leurs propres machines pour retirer la parche, trier les grains de café vert et les préparer pour l’exportation. Lorsqu’elles sont titulaires d’une licence, elles peuvent vendre directement à un importateur ou à un torréfacteur ; dans le cas contraire, elles sont contraintes de passer par un exportateur. À partir de là, la vente peut s’effectuer sur le marché des produits de base, aux enchères ou via des contrats privés signés avec des importateurs des pays consommateurs. Ces derniers font entrer le café sur leur territoire, l’entreposent et le vendent aux torréfacteurs, qui les distribuent ensuite aux grossistes, aux supermarchés, aux bars, cafés et restaurants, et aux particuliers.

Parcelle

Cerises à différents stades de maturité

L’importance de la transparence

Il est primordial d’interroger la transparence et les standards éthiques de la chaîne au moment de décider comment et à qui acheter les grains. Plus on dispose d’informations concernant les différents maillons de la chaîne et leur fonctionnement, plus on a la garantie d’acheter un produit pour lequel tous les acteurs ont perçu une rémunération profitable, appropriée et durable.

S’il arrive que des torréfacteurs parviennent à négocier le prix du café directement avec le cultivateur, la plupart du temps ils achètent aux exportateurs ou aux importateurs et comptent sur leur bonne volonté pour connaître la rémunération exacte des cultivateurs. Une chose est (quasiment) sûre pourtant : en matière de café comme en matière d’alcool le produit le moins cher ne sera jamais un produit de bonne qualité. D’un autre côté, il faut aussi se méfier des marques qui, à qualité équivalente, vous font payer davantage pour des raisons de marketing ou d’image.

Séchage de la parche dans un polytunnel

Entrepôt d’un dry mill

La confiance paye

Trouver du café de qualité pour votre bar n’a jamais été aussi facile, car le nombre de torréfacteurs spécialisés a explosé au cours des quinze dernières années. Pourtant, il peut s’avérer compliqué de naviguer entre les discours commerciaux aguicheurs – et malheureusement, les opérateurs frauduleux n’ont aucun scrupule à s’approprier les qualificatifs à la mode et toute autre description exotique qui leur passe par la tête, en dépit de leur piètre expérience, connaissance ou expertise réelle en la matière.

Il sera donc plus facile de trouver un fournisseur de confiance et de savoir quel type de café acheter si vous vous renseignez au préalable. N’hésitez pas à demander aux torréfacteurs d’où vient leur café, s’ils ont déjà discuté avec les cultivateurs ou leur ont déjà rendu visite sur place, s’ils connaissent leur rémunération, et s’ils connaissent les meuniers, les exportateurs et les importateurs qui ont géré le café tout au long de son parcours.

Comment s’appelle la coopérative, la station de lavage, la hacienda, la finca ou la fazenda ? Quel est le nom du cultivateur ou du responsable ? Quelle est la variété du café ? Où et à quelle altitude a-t-il été cultivé, comment a-t-il été traité ? Quel est son goût et comment l’infuser ? Pour terminer, faites confiance à vos papilles et n’hésitez pas à comparer et à tester afin de trouver le fournisseur qui vous apportera la qualité de café que vous souhaitez.

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Shinya Sakurai et le pouvoir transformateur du thé https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/shinya-sakurai-et-le-pouvoir-transformateur-du-the/ Tue, 10 Oct 2023 07:19:38 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1949 Le bartender et maître du thé Shinya Sakurai nous raconte son parcours dans le monde du thé et révèle toute la versatilité et les nuances des infusions et des mélanges.

J’ai commencé à préparer des boissons derrière un bar quand j’étais étudiant à l’université : je servais des bières et du whisky, et je préparais des cocktails dans un restaurant. Une fois diplômé, un collègue plus âgé m’a fait découvrir un nouveau bar à Ginza. C’est là que j’ai vraiment appris les bases et que j’ai perfectionné mes compétences de bartender, depuis le nettoyage en profondeur, le dépoussiérage des bouteilles et le pilage de la glace, jusqu’au maniement des ustensiles et le perfectionnement de mes manières. Bien sûr, j’ai également pratiqué les bases pendant un an : shaker ou remuer une boisson sans la casser.

Une connaissance m’a ensuite fait entrer chez Simplicity, une entreprise japonaise qui gère un restaurant et une confiserie ultra-design. J’ai d’abord travaillé au bar du restaurant (et emmagasiné de l’expérience en restauration pure) avant d’être muté vers Sabo, le bar à thé de la boutique de friandises japonaises Higashiya, où j’ai commencé à me consacrer plus sérieusement au thé. L’établissement restait ouvert tard le soir, et on pouvait y déguster du thé et des friandises japonaises authentiques tout en sirotant des cocktails et des boissons.

L’éducation au thé

Ma façon de considérer le thé a beaucoup changé depuis mes débuts chez Sabo. Avant ça je le buvais sans vraiment y penser. J’ai d’abord été surpris par la grande diversité des thés japonais existants – du sencha au gyokura, en passant par le macha, l’hōjicha et les thés fermentés – je me suis même demandé comment une telle diversité avait bien pu m’échapper jusque-là. En bon novice, j’ai commencé par apprendre à infuser les feuilles, avant d’étudier les méthodes de culture et de production. À vrai dire, j’avais l’impression que ça me venait de façon naturelle, un peu comme pour les cocktails. Le reste du temps, je continuais à infuser moi-même le thé que je buvais, tout en étudiant sous la houlette d’un professeur de thé japonais.

Le concept de Sabo repose sur trois saveurs : le thé, les friandises et l’alcool. C’est une forme d’espace inédite, design compris, qui est à la fois un bar et une maison de thé. Là-bas, j’ai surtout appris à approcher la culture et le climat japonais, car il s’agissait de s’efforcer de restituer pleinement la culture japonaise en adaptant les ingrédients et les outils traditionnels à l’époque actuelle et aux quatre saisons, pour pouvoir les faire évoluer ensuite. Ce processus m’a aidé à découvrir de nombreuses variétés de thé japonais. À partir de là, je me suis intéressé de plus près à la culture japonaise et j’ai compris que tout a un sens et une importance – des friandises et ustensiles jusqu’aux aspects spirituels du thé.

Le Japon accorde de l’importance au passage des saisons – et les gens apprécient la nourriture saisonnière ; j’ai donc créé un menu avec les accords mets-thé pour l’ouverture du restaurant Yakumo Saryo ; et associé des herbes et des fruits frais à du thé, afin d’élaborer un menu d’inspiration saisonnière pour Higashiya à Ginza. Cette carte des boissons comprend uniquement du thé japonais afin de permettre aux personnes ne buvant pas d’alcool d’en profiter aussi. Mais, si les repas accompagnés de vin commencent généralement par du champagne, quel thé japonais pouvait jouer ce rôle et remplacer le champagne ? Nous avons donc eu l’idée d’inventer le Sencha Sparkling, un thé pétillant, servi dans une flûte à champagne. Nous avons marié des thés frais et rafraîchissants avec des hors-d’œuvre ; associé un mélange de sencha à des feuilles de shiso et des agrumes frais afin d’accompagner des sashimis, et élaboré des thés fermentés à déguster avec les snacks, viandes et poissons grillés les plus forts.

Histoires de bar

Hélas, malgré le nombre de thés japonais disponibles, la gamme reste limitée. C’est là que les connaissances du bartender entrent en jeu : les professionnels du bar mélangent des liqueurs et alcools de base afin de recréer le goût idéal – nous avons adapté cette pratique au thé. Pour vous donner une idée : si vous jugez qu’une saveur manque, vous êtes libre de l’ajouter afin d’élargir l’éventail des mariages possibles avec le plat. Au fil des ans, le développement de ces mariages nous a ouvert une infinité de possibilités avec le thé.

Higashiya Ginza a conçu un mélange de thé original incorporant des herbes et des fruits frais. Le fruit est coupé à la demande, associé au thé, et l’eau chaude contenue dans la théière est versée à la louche. On utilise aussi peu de produits séchés que possible, et on privilégie des ingrédients qui reflètent les quatre saisons du Japon, tout au long de l’année : légumes sauvages au printemps, sansho et pêches au début de l’été, poires et raisin en automne, yuzu et pommes en hiver. Ensuite, j’ai reproduit le même type d’expérience dans la boutique que j’ai ouverte.

Face au déclin rapide de l’industrie nationale du thé, j’ai décidé d’ouvrir ma propre boutique de thé japonais. De façon quelque peu égoïste, nous avons ouvert en 2014 les portes du Sakurai Japanese Tea Experience (櫻井焙茶研究所), qui se veut un lieu de recherche, de création de nouvelles possibilités et de valorisation du thé japonais en tant qu’élixir de guérison. Ici, les visiteurs et leurs cinq sens peuvent découvrir des thés venus de tout le Japon, dont des thés nature, torréfiés et mélangés.

Installation de la boutique

Une des principales caractéristiques de la maison de thé est la diversité des expériences de thé japonais proposée. Le menu comprend des repas au thé, une sélection de sencha et de hōjicha fraîchement torréfiés, des mélanges de thé saisonniers, du thé gyokuro et gyokuro special class, et des thés roulés à la main ayant remporté le premier prix dans des foires du thé, ainsi que des thés bancha régionaux.

Le menu thé commence bien évidemment par du gyokuro, infusé selon la technique du remuage (bien connue des bartenders). À l’aide de verres à mélange en céramique authentique, le thé est servi façon cocktail. Puis les feuilles de thé gyokuro sont dégustées, avant l’apparition d’une poêle destinée à torréfier du thé hōjicha devant les clients – un parfum puissant envahit alors la maison de thé. Le menu se termine avec des friandises fraiches de saison et du matcha.

L’autre menu s’articule autour du chasyu (thé alcoolisé). Il s’agit d’une boisson alcoolisée fabriquée en infusant du thé dans du gin, de la vodka ou une autre boisson. Nous avons élaboré 18 types de chasyu à partir des méthodes de production de thé, dont le sencha gin, le tencha vodka, le hōjicha torréfié au rhum et le bancha grillé au whisky. Au gin, nous avons apporté l’astringence et l’umami du sencha ; avec la vodka nous avons utilisé du tencha, la matière première du matcha, afin de révéler le goût simple de l’umami ; dans le rhum, l’hōjicha fortement torréfié est associé à du thé moins torréfié pour créer une liqueur à l’arrière-goût puissant ; et le bancha fumé est marié à du blended whisky japonais qui le transforme en une boisson tourbée qui n’est pas sans rappeler les whisky Islay.

L’idée derrière toutes ces saveurs est de s’assurer que chaque individualité persiste dans le résultat final. J’essaie de structurer les cocktails de façon à ce que le thé ne disparaisse pas, par exemple en associant des saveurs persistantes, ou opposées.

J’espère transmettre ainsi la conscience des bienfaits du thé japonais tout en boostant les industries du thé et du bar. De nos jours, de plus en plus de gens ne boivent pas d’alcool, donc amener la culture du thé dans les bars me semble un bon moyen de faire venir davantage de personnes et de faire découvrir les nombreux talents des bartenders. Je veux remettre au goût du jour la culture japonaise de qualité et la transmettre aux générations à venir.

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Saisonnalité, terroir et globalité : comment le temps et le lieu peuvent influencer la saveur https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/saisonnalite-terroir-et-globalite-comment-le-temps-et-le-lieu-peuvent-influencer-la-saveur/ Mon, 09 Oct 2023 16:37:16 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1940 Quand il s’agit de regarder au-delà du comptoir, le respect de la saisonnalité gagne en pertinence parmi la communauté des bartenders. Millie Milliken a demandé à des professionnels d’Australie, du Japon et du Pérou de décrire l’influence du temps et du lieu sur leur travail.

« Pour moi, compter sur l’acidité des agrumes tout au long de l’année est révélateur de paresse et de manque d’inspiration », nous explique Luke Whearty, co-propriétaire du Byrdi bar à Melbourne. Bien sûr, il évoque ici la saisonnalité des ingrédients – caractéristique qui, pour les bartenders (contrairement à leurs collègues de cuisine) requiert une réflexion nouvelle, au-delà des habitudes traditionnelles. Certes, la plupart des alcools essentiels – whisky, mezcal, vodka, gin – sont produits et utilisés toute l’année, mais bien que des produits tels que des liqueurs et distillats maison ouvrent la voie à une approche plus saisonnière de la fabrication de boissons, le résultat de ces procédés demeure entièrement dépendant de la formation, de l’expertise et des ressources de l’établissement – trois éléments dont tous les bars n’ont pas forcément la chance de disposer.

Où que se situe votre bar, la saisonnalité et ses cousins, le terroir et la globalité, ne cessent de grignoter du terrain dans la façon d’élaborer la carte des boissons. Pourquoi ? Parce que les consommateurs expriment le souhait croissant de connaître l’origine de leur nourriture et de leurs boissons. En conséquence, la communauté des bartenders apparaît de plus en plus comme pionnière en la matière, surtout dans la mesure où la frontière entre bar et cuisine tend à se flouter à vue d’œil. Et il ne s’agit plus uniquement de la provenance des ingrédients, mais également de tout le contexte culturel qui les entoure.

Ceci étant dit, comment permettre aux bartenders de travailler en accord plus étroit avec les saisons ? Et comment cette proximité avec les saisons se traduit-elle par une façon d’exercer plus savoureuse, axée sur le terroir ?

Tout est dans le timing

Luke Whearty, Byrdi

Retour à Byrdi, bar qui se présente comme « australien dans l’âme, aux cocktails façonnés par l’environnement local ». Ici, l’équipe change le menu tous les trois mois et apporte des micro-changements entre-temps pour rester en phase avec la qualité et la saisonnalité des nouveaux ingrédients. Pour Whearty, travailler avec des ingrédients de saison relève de la proposition simple : « prenez le temps de regarder ce qui est de saison à l’instant T, mais prenez aussi le temps d’anticiper ce qui arrivera à maturité dans un futur proche et efforcez-vous d’élaborer vos menus à l’avance. »

De son côté, le barman péruvien Luis Flores, pionnier dans l’utilisation des ingrédients amazoniens, a eu la chance de découvrir la saisonnalité des produits péruviens dès le début de sa carrière, au cours de son premier emploi derrière le bar d’un restaurant. Avance rapide, nous voilà en pleine pandémie et il travaille désormais avec des distilleries péruviennes qui utilisent des produits locaux et indigènes, comme la vodka de patate indigène péruvienne (14 Inkas), des fruits andins infusés dans de l’alcool de cane (Destileria Andina) et les mistelas, ces vins sucrés fabriqués à partir de pisco et de jus de raisin oxydé. Dernièrement, il a également commencé à recourir à des produits locaux pour fabriquer ses propres liqueurs, comme du limoncello d’agrumes amazoniens.

Ingrédients péruviens locaux

Il distingue deux types de saisonnalité : « d’un côté, on parle de matières premières : légumes, fruits, racines, écorces et, en règle générale, de tous les produits agraires utilisés par les cuisiniers au quotidien. De l’autre, côté boissons plus précisément, la saisonnalité dépend des distillats et des liqueurs élaborés, pour lesquels il est nécessaire d’analyser et de disposer des connaissances adéquates à propos des ingrédients utilisés et de leur cycle de vie. »

Pendant ce temps à Fukuoka (Japon), Shuhei Nomura a créé avec The Certain Bar un environnement où l’équipe s’inspire du climat, de la culture et de l’histoire locale pour élaborer ses cocktails, tout en respectant « toutes les choses vivantes qui poussent sur le sol d’ici » et en utilisant des ingrédients comme des tomates cultivées localement, de la menthe japonaise indigène ou encore du hyuganatsu – un agrume japonais rare qui ne pousse que quelques semaines au printemps. Le menu change régulièrement afin de rester en phase avec les ingrédients disponibles. « On change notre menu toutes les deux semaines, en fonction de nos achats, explique Shuhei Nomura. En parallèle, on accepte les commandes omakase et on essaie d’utiliser les ingrédients de saison aussi vite que possible. »

Qu’est-ce qui se mijote ?

Shuhei Nomura, The Certain Bar

Impossible de nier que les univers de la cuisine et du bar sont liés et s’inspirent réciproquement, bien que cela s’avère peut-être plus vrai dans le sens cuisine/bar que le contraire. Et c’est très certainement vrai dans le cas de Nomura, surtout en matière de réflexion sur la saisonnalité des ingrédients. « Je suis très influencé par la cuisine des chefs japonais. Ils proposent une nourriture qui coexiste avec la nature, tirent le meilleur des ingrédients selon le rythme des saisons basé sur les 24 périodes solaires et sur les 72 saisons des cinq éléments du Yin-Yang (le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau). On perçoit l’empreinte de la saison dans la préparation, dans la présentation physique et dans les détails du service. »

De retour en Amérique latine, Flores nous fait remarquer que les professionnels du bar débutent généralement leur carrière hôtelière en cuisine. « Vu le nombre limité de bars en Amérique latine, les bartenders font souvent leurs premiers pas dans les restaurants. Ça permet de travailler au côté des chefs, et de partager des connaissances. »

Quand on voit la plupart des ingrédients locaux typiques de la région, cela signifie aussi un accès à des produits de saison hautement savoureux. « L’Amérique latine ne produit pas beaucoup de distillats, par contre nous disposons d’une très large gamme de matières premières fraîches qui permettent d’obtenir des cocktails plus savoureux. Par exemple : l’incontournable ananas. Ici, on en trouve à tous les stades de maturité tandis que l’Europe reçoit des ananas (et autres fruits tropicaux) encore verts, mis à mûrir une fois sur place. Évidemment, cela a un énorme impact sur la saveur finale de la boisson pour laquelle ils sont utilisés. »

Pour Whearty, travailler en accord avec les saisons au bar s’apparente à travailler avec les saisons en cuisine. « À mes yeux, il n’y a pas la moindre différence. La saisonnalité joue un rôle important dans ma façon d’envisager la création de boissons, et je crois que c’est l’élément idéal pour ancrer le bar dans l’ici et maintenant, et apporter du sens à la fabrication de boissons. »

Une certaine idée de l’ancrage géographique

Bien sûr, quand on parle de saisonnalité (et de localité), le terroir n’est jamais bien loin. Bien que souvent tourné en dérision lorsqu’il est utilisé en rapport avec des boissons et alcools mélangés (contrairement au vin), le mot revient de plus en plus souvent dans la bouche des distillateurs et des bartenders. Pour Flores, le terme de « terroir », à l’instar de celui de saisonnalité, revêt plusieurs significations : « quand on évoque le terroir, on ne se réfère pas uniquement au climat et au sol, mais aussi à l’âme et à la tradition. Ces différences occasionnent des variations de saveur qui sont à prendre en considération lorsqu’on associe des produits venant de différentes régions du pays. Comprendre les différences entre les terroirs et leurs effets sur les ingrédients nous permet d’élaborer des cocktails de façon à la fois plus critique et plus créative. »

Feuilles de Shiso utilisées chez Byrdi

Whearty and co. travaille avec des producteurs spécifiques, qui opèrent dans l’intention d’obtenir la version la plus savoureuse possible de leurs ingrédients. « Nous avons constaté une différence remarquable entre les produits cultivés par une personne qui prend le temps de réfléchir et de mettre en place les pratiques de culture adéquates, et les ingrédients produits en masse à destination des supermarchés », explique-t-il, citant en exemple un producteur de Melbourne auprès de qui il s’approvisionne en feuilles de shiso, dont le parfum et les arômes sont incomparablement supérieurs à ceux des autres producteurs.

Pour Nomura, qui utilise des ingrédients de Kyushu et une eau puisée à proximité, le terroir est autant lié au sol et au climat qu’à la personne qui manie l’ingrédient. « Il existe un concept bouddhiste, également utilisé dans l’industrie macrobiotique et appelé ‘shin-do-fuji’, ce qui signifie que le corps et la terre d’une personne sont inséparables. Le terroir s’exprimera tant qu’existeront les personnes et les terres pour produire et boire des cocktails. »

La récompense

Luis Flores

Alors, quels sont les avantages de travailler avec les saisons ? Évidemment, Nomura nous rappelle que plus l’ingrédient est de saison, plus il est savoureux (et souvent plus écologique). Whearty lui, insiste sur l’expérience du consommateur : « de nos jours, les clients qui viennent au bar s’y connaissent déjà pas mal et savent se préparer les cocktails classiques à domicile, donc je pense qu’il est de notre devoir de leur proposer une expérience nouvelle et inédite, qu’ils ne peuvent pas reproduire chez eux. »

Nomura fait remarquer que l’adhérence stricte à la saisonnalité risque d’être entravée par les chaînes d’approvisionnement. Whearty et lui citent tous les deux la conservation des ingrédients (vinaigre, fermentation) comme réponse, mais il se trouve que des entreprises internationales comme Natoora, qui est en passe de révolutionner cette étape du processus, pourraient s’avérer une solution à long terme (pour en savoir plus, rendez-vous à l’épisode Ingrédients & Saveurs).

Aux yeux de Flores, la saisonnalité est la clef de la créativité des bartenders. « Je vois la saisonnalité comme un avantage, un point c’est tout. Elle permet de penser plus vite la production de nouveaux cocktails. Elle aide aussi à stimuler la créativité – elle rend conscient. »

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Série “Extraction des saveurs” : et si l’infusion n’avait rien de compliqué ? https://www.campariacademy.com/fr-fr/inspiration/news/extraction-des-saveurs-et-si-linfusion-navait-rien-de-complique/ Mon, 09 Oct 2023 16:30:57 +0000 https://www.campariacademy.com/fr-fr/?p=1934 Dans le premier épisode de cette nouvelle série consacrée à l’extraction des saveurs, Monica Berg partage ses conseils et ses techniques d’infusion, et explique pourquoi la simplicité vous mènera aux meilleurs résultats.

Dans cette série, nous nous intéresserons aux techniques permettant d’extraire la saveur d’un ingrédient – des plus connues aux plus rares – dans le but de créer de délicieuses boissons.

Commençons par une des méthodes les plus utilisées : l’infusion.

Avant de commencer, je tiens cependant à mettre quelques petits points au clair : infusion, macération, décoction – lorsqu’on utilise ces termes culinaires dans le but de créer des boissons, ils désignent (quasiment) la même technique. Certes, il existe des variations et nuances mineures, mais dans l’optique de garder cette séance compréhensible, considérons-les tous comme de « l’infusion ». Du moins, pour l’instant.

L’objectif principal de l’infusion (autrement dit, du fait de laisser tremper ou macérer un ingrédient – herbe, fruit ou végétal – dans un liquide) est d’en extraire la saveur. Si cette technique avancée est souvent la première rencontrée par nombre d’entre nous à nos débuts derrière un bar, la pratiquer en toute simplicité reste, à mes yeux, la meilleure option. En tant que personne ayant travaillé en plein milieu de l’engouement pour les Martini infusés (les Martinis au fruit de la passion, à la pomme verte ou la rhubarbe étaient certainement les plus populaires à l’époque où je travaillais dans des clubs), la méthode était plutôt directe : infusez l’ingrédient de votre choix dans de la vodka, puis mélangez avec une liqueur, du jus de fruit, voire avec des agrumes, shakez. Tadam !

Depuis, évidemment, j’ai beaucoup appris en matière de technique ; notamment à superposer les arômes et à extraire les saveurs de façon plus réfléchie – mais une chose n’a pas changé : c’est toujours ma façon préférée de capturer la véritable nature d’un ingrédient, quel qu’il soit.

Je vous invite donc à me suivre dans mes réflexions et mes petites expérimentations infusées – qui, je le précise, constituent une affaire personnelle, particulière à chaque bartender.

Les trois T

Infusion de mangue

Lorsqu’on s’intéresse de plus près aux infusions, trois éléments sautent aux yeux : le temps, la texture et la température. Ces trois éléments impactent le résultat final en profondeur et, le plus souvent, il est nécessaire de les utiliser ou les maitriser tous les trois (souvent ensemble) pour obtenir le meilleur résultat.

Commençons par le temps. On considère souvent le temps comme un luxe, ce qui me semble particulièrement vrai quand on est en pleine préparation – il arrive même que, lorsqu’une préparation ne prend pas la direction souhaitée, la meilleure chose à faire soit de la laisser de côté et d’y revenir plus tard. En général, mes infusions les plus courtes ne durent pas plus de quelques heures (notamment quand j’infuse des ingrédients très puissants comme les grains de café), tandis qu’il peut m’arriver de laisser infuser des ingrédients pendant des mois, voire des années.

Si vous voulez infuser des fraises, par exemple, la durée est primordiale car elle va déterminer l’intensité de la saveur. Cependant, il est possible de jouer avec le ratio fraise/liquide en ajoutant des fraises supplémentaires afin de réduire le temps d’infusion. Si, au contraire, vous disposez de moins de fraises que de liquide, alors vous devrez allonger la durée d’infusion pour obtenir un résultat similaire.

Vous pouvez également influencer le processus en maximisant le ratio de surface. Par exemple, si vous coupez les fraises en petits morceaux, vous obtenez une plus grande surface de contact – vous pouvez même mixer les fraises en purée afin d’obtenir une intégration optimale entre les deux ingrédients, mais cela allongera votre préparation car vous devrez ensuite filtrer le liquide pour lui rendre sa clarté. Sans oublier que la violence du mixage risque de détruire certains des composés aromatiques les plus volatils de la fraise.

Passons à la texture. L’alcool et la matière grasse sont tous deux d’excellents vecteurs de saveur : une fois que vous aurez compris leur fonctionnement, ils vous faciliteront grandement la tâche. Par exemple, il faut savoir qu’on obtient un résultat différent en infusant des fraises dans du lait ou dans de la crème épaisse, car la texture du liquide réagit différemment à la fraise, et transporte d’autres éléments. C’est pareil si vous infusez des fraises dans des liquides alcoolisés, dans la mesure où le degré d’alcool va impacter non seulement la texture du liquide mais, surtout, la proportion d’eau présente dans le liquide – sans oublier que des titrages différents n’extrairont pas les mêmes saveurs au cours du processus.

Infusion de mousse de chêne portugais

Imaginez-vous le profil aromatique dans son entièreté d’une fraise fraîche. C’est ça que vous voulez capturer. Or les infusions et les préparations effectuées ne restituent que des angles de vue, des morceaux isolés de ce profil – pour obtenir l’image dans son ensemble, il faut donc les réunir. C’est, en quelque sorte, ce que je vois lorsque je goûte un ingrédient et que je le déconstruis dans ma tête afin de déterminer les techniques à employer pour le reconstituer entièrement dans un cocktail.

En termes pratiques, cela signifie que si vous préparez une infusion de fraise dans de la vodka, du gin ou un autre produit à volume d’alcool élevé, vous obtenez une dimension de la fraise ; mais si vous avez l’occasion de préparer en parallèle une infusion avec un liquide à la teneur en alcool moins élevée (du type vermouth ou vin cuit) et que vous associez les deux infusions dans votre boisson, votre représentation de la fraise gagnera en réalisme et en complexité.

Pour terminer, nous avons la température – peut-être le T le plus controversé à mes yeux. Comme je l’ai mentionné plus tôt, je recours principalement aux infusions dans le but de capturer la véritable essence d’un ingrédient. Autrement dit, je suis toujours en quête des nuances les plus délicates.

Si vous avez déjà croqué dans une fraise en pleine saison, je ne vous apprends rien : tout commence par un éclat juteux, suivi de la douceur sucrée et fruitée qui s’attarde en bouche, presque jusqu’à la fin, avant de s’achever dans une minuscule pointe d’acidité, quasiment imperceptible. Rien à voir avec les saveurs confites, proches du bonbon, souvent obtenues lorsque vous chauffez la fraise – c’est pourquoi je m’abstiens toujours de monter la température.

Bien sûr, l’exception confirme la règle et il m’arrive de chauffer lorsque je travaille des ingrédients secs, ou des ingrédients comme des épices et des graines dont je cherche à extraire les huiles essentielles, etc. – mais, en règle générale, je travaille à (ce qu’on appelle de façon non-scientifique) « température ambiante ». Conclusion, lorsque je travaille avec des fruits ou légumes frais, en pleine saison naturelle, je n’utilise jamais de chaleur. Si le fruit s’avère cogné ou abîmé, alors l’infusion ne sera probablement pas la meilleure voie à emprunter – la fermentation sera sans doute plus adaptée.

De la simplicité avant toute chose

Infusion (en haut) vs fat-wash

Je prêche toujours pour moins ET plus, en d’autres termes, pour moins de technique, mais plus de soin accordé aux matières premières. Lorsqu’on emploie les meilleurs ingrédients, pas besoin d’en faire trop pour obtenir une explosion gustative.

Au final, il existe de nombreuses techniques parmi lesquelles choisir pour infuser : macération traditionnelle avec ou sans chaleur, infusion rapide avec iSi, scellé sous vide ou Supersonic – toutes présentent des avantages et des inconvénients. Mais, à mon avis, la plus grande question reste le coût. Par exemple, certains affirment gagner en temps et en efficacité en utilisant les chargeurs iSi pour infuser rapidement un liquide grâce à la pression ; sauf que, si vous regardez le tableau dans son ensemble, vous devez intégrer le coût des cartouches dans le prix de la boisson finale, ce qui augmente son prix et la production de déchets. Idem pour des équipements comme des appareils à emballer sous vide ou des Supersonic : l’investissement de départ est important et l’appareil lui-même occupe beaucoup (!) de place, donc il s’agit de bien calculer le nombre de boissons à préparer pour parvenir à le rentabiliser.

Utilisées de façon intelligente, les infusions deviennent vos meilleures alliées pour diversifier vos boissons. Attention toutefois à ne pas vous laisser berner par leur apparente simplicité de réalisation ! Une fois maîtrisées, elles vous permettront en revanche d’obtenir de bien meilleurs résultats que toutes les techniques plus « avancées », sans le moindre doute.

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