Série “Supply chain” : Anette Moldvaer et l’approvisionnement en café éthique

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Dans ce second article de la série consacrée aux chaines d’approvisionnement, l’autrice et consultante en café Anette Moldvaer vous indique les questions à vous poser avant de laisser entrer des grains de café dans votre établissement.

L’industrie spécialisée du café consacre énormément de temps à éduquer et à guider ses consommateurs entre les spécificités des produits proposés à la vente, la très large gamme de saveurs existantes, les différents niveaux de qualité et les variations de prix. D’ailleurs, de nos jours, la plupart des adeptes de café sont capables de citer les deux principaux types de café, soit l’arabica et le robusta. Avec ses 75 % de part du marché, le premier est considéré comme le plus savoureux, tandis que le second offre un profil gustatif boisé et terreux – et contient davantage de caféine. De nombreuses variétés d’arabica sont cultivées : bourbon, pacamara et SL28 (pour ne citer qu’elles), présentent chacune des qualités gustatives intrinsèques (douceur sucrée pour le café bourbon ; puissantes saveurs ponctuées de notes végétales pour le pacamara ; notes fruitées et acidulées, intensité aromatique pour le SL28).

Anette Moldvaer

Le traitement des cerises de café

Si le parcours du fruit au grain de café vert peut emprunter différentes routes, il se divise grosso modo en trois techniques principales : les cafés séchés, les cafés honey ou pulp-natural et les cafés lavés. Le café séché consiste à mettre à sécher les cerises entières pour obtenir un goût fruité, tropical et puissant, une note sucrée et une texture épaisse. Les cafés honey / pulp-natural sèchent au soleil une fois leur peau externe retirée – bien que les grains restent enveloppés d’une couche de mucilage protecteur (dit le miel). Ce café est généralement doux et légèrement fruité, et présente un goût plus « propre » que le café séché. Pour les cafés lavés, on retire la peau des cerises avant d’immerger les grains (toujours enveloppés de leur pulpe) dans des réservoirs remplis d’eau, où ils fermentent jusqu’à ce que la pulpe se désagrège et puisse être rincée. Le café lavé présente un corps délicat et un goût souvent acidulé et net.

Transporter le café du point A au point B

La chaine d’approvisionnement s’avère souvent longue et tortueuse, car les grains de café passent entre de nombreuses mains avant d’atterrir dans celles du consommateur. Or si le terme « intermédiaire » comporte son lot de connotations, il s’agit dans la plupart des cas d’une nécessité car peu de cultivateurs disposent du volume, des équipements ou de la licence qui leur permettrait de vendre directement à un torréfacteur. Pour vous donner une idée, on trouve parmi les cultivateurs de café aussi bien des fermiers à qui les quelques caféiers plantés dans le jardin fournissent un revenu saisonnier d’appoint, que des propriétaires d’exploitations gigantesques qui contrôlent chaque étape du processus et passent des contrats directement avec les torréfacteurs et les établissements. Certains cultivateurs vendent les cerises fraîchement récoltées, comme n’importe quel fruit ou légume, tandis que d’autres prennent en charge une partie du traitement (le trempage ou le séchage par exemple), seuls ou via une coopérative. Il arrive que les plus grosses exploitations possèdent aussi leurs propres machines pour retirer la parche, trier les grains de café vert et les préparer pour l’exportation. Lorsqu’elles sont titulaires d’une licence, elles peuvent vendre directement à un importateur ou à un torréfacteur ; dans le cas contraire, elles sont contraintes de passer par un exportateur. À partir de là, la vente peut s’effectuer sur le marché des produits de base, aux enchères ou via des contrats privés signés avec des importateurs des pays consommateurs. Ces derniers font entrer le café sur leur territoire, l’entreposent et le vendent aux torréfacteurs, qui les distribuent ensuite aux grossistes, aux supermarchés, aux bars, cafés et restaurants, et aux particuliers.

Parcelle

Cerises à différents stades de maturité

L’importance de la transparence

Il est primordial d’interroger la transparence et les standards éthiques de la chaîne au moment de décider comment et à qui acheter les grains. Plus on dispose d’informations concernant les différents maillons de la chaîne et leur fonctionnement, plus on a la garantie d’acheter un produit pour lequel tous les acteurs ont perçu une rémunération profitable, appropriée et durable.

S’il arrive que des torréfacteurs parviennent à négocier le prix du café directement avec le cultivateur, la plupart du temps ils achètent aux exportateurs ou aux importateurs et comptent sur leur bonne volonté pour connaître la rémunération exacte des cultivateurs. Une chose est (quasiment) sûre pourtant : en matière de café comme en matière d’alcool le produit le moins cher ne sera jamais un produit de bonne qualité. D’un autre côté, il faut aussi se méfier des marques qui, à qualité équivalente, vous font payer davantage pour des raisons de marketing ou d’image.

Séchage de la parche dans un polytunnel

Entrepôt d’un dry mill

La confiance paye

Trouver du café de qualité pour votre bar n’a jamais été aussi facile, car le nombre de torréfacteurs spécialisés a explosé au cours des quinze dernières années. Pourtant, il peut s’avérer compliqué de naviguer entre les discours commerciaux aguicheurs – et malheureusement, les opérateurs frauduleux n’ont aucun scrupule à s’approprier les qualificatifs à la mode et toute autre description exotique qui leur passe par la tête, en dépit de leur piètre expérience, connaissance ou expertise réelle en la matière.

Il sera donc plus facile de trouver un fournisseur de confiance et de savoir quel type de café acheter si vous vous renseignez au préalable. N’hésitez pas à demander aux torréfacteurs d’où vient leur café, s’ils ont déjà discuté avec les cultivateurs ou leur ont déjà rendu visite sur place, s’ils connaissent leur rémunération, et s’ils connaissent les meuniers, les exportateurs et les importateurs qui ont géré le café tout au long de son parcours.

Comment s’appelle la coopérative, la station de lavage, la hacienda, la finca ou la fazenda ? Quel est le nom du cultivateur ou du responsable ? Quelle est la variété du café ? Où et à quelle altitude a-t-il été cultivé, comment a-t-il été traité ? Quel est son goût et comment l’infuser ? Pour terminer, faites confiance à vos papilles et n’hésitez pas à comparer et à tester afin de trouver le fournisseur qui vous apportera la qualité de café que vous souhaitez.