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Osman Baycan et les secrets de l’hospitalité turque

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À Istanbul, en Turquie, les cultures des quatre coins du monde fusionnent et se mélangent dans un arc-en-ciel d’humanité. Forte de plus de quinze millions d’habitants, la ville mondial du désir est la plus peuplée d’Europe et se trouve aux portes de deux continents. Le détroit du Bosphore divise la ville en deux, chaque côté appartenant à une zone géographique différente (Europe et Asie). Les influences des deux environnements se font clairement sentir lorsque l’on passe d’une rive de la métropole à l’autre : bazars et gratte-ciel, mosquées et boîtes de nuit, tous sous le même ciel. On peut donc se poser la question : comment une ville aussi diversifiée et multiculturelle parvient-elle à rester unie ?

La réponse réside dans l’hospitalité, comme vous le dirait Osman Baycan, propriétaire de Pigalle Suadiye et Goose no.25. « Istanbul est le nœud entre deux continents, et historiquement parlant, c’est l’une des villes les plus hétéroclites et les plus animées au monde. C’est comme un pays à proprement parler : des gens de toutes origines, religions, cultures vivent ici. Nous sommes donc habitués à la diversité et à un environnement multiculturel. Les bars sont l’un des principaux éléments créant du lien entre les gens. Ce sont des lieux de rassemblement pour partager des intérêts communs ». L’histoire et les traditions sont si profondes et riches que l’industrie du bar œuvre constamment à les célébrer. « Nous sommes toujours ouverts d’esprit et essayons de créer une équipe aussi diversifiée que possible pour suivre le rythme de cette ville multiculturelle. Le rôle du bar est de rassembler, il est un fil conducteur entre le passé et l’avenir de notre culture ».

Né et élevé dans un petit village sur la côte de la mer Noire, en Turquie, Osman, qui est l’un des personnages principaux du premier épisode de Perspectives, a déménagé à Istanbul et y est devenu pompier. Il a vite compris que si sa mission était de se consacrer aux autres, c’était d’une autre manière. « Il y a onze ans, j’ai remplacé un de mes amis pour son service au bar. J’ai lavé des verres et j’ai été captivé par l’ambiance du bar, alors j’ai continué à y travailler à temps partiel. Six mois plus tard, j’ai compris que c’était la profession que je voulais exercer pour le reste de ma vie. J’ai démissionné de la caserne et j’ai commencé à temps plein en tant que barman ». Il est aujourd’hui six fois champion de Turquie dans plusieurs compétitions de marques, et a beaucoup voyagé pour s’imprégner d’expériences et de différentes cultures, un peu comme ce dont bénéficie Istanbul.

« Mon premier voyage en tant que bartender a été Cuba, et il m’a ouvert les yeux sur la diversité de ce secteur. J’ai assisté à des congrès et à des conférences de bartenders, en investissant mes propres économies ». L’histoire s’est accélérée quand il a obtenu le poste de Directeur de bar pour Alexandra Cocktail Bar. Osman a joué un rôle majeur dans la reconnaissance mondial de cet établissement. Dans ce contexte, il a créé le projet Desk of Fame, qui a un impact significatif sur la scène mixologie turque : « C’est comme un pont entre la communauté bartender turque et la scène mixologie mondiale, avec des invités et des séminaires des meilleurs bartenders du monde entier. C’est l’occasion de faire progresser notre mouvement local, parce que si vous connaissez bien et comprenez vraiment Istanbul, c’est une ville offrant beaucoup de possibilités et d’opportunités ».

Istanbul est un endroit unique, où les bars font office de points de rassemblement parfaits, malgré ce qui est probablement le plus grand défi jamais lancé à un bartender : la majorité des habitants ne boivent pas d’alcool. « Selon les études, en 2018, seulement 22,1 % de la population turque consommait de l’alcool. Ce secteur est semé d’embûches ; par exemple nous n’avons pas beaucoup de spiritueux à disposition, je ne trouve ainsi qu’une seule marque de vermouth à Istanbul. On sent aussi que la communauté locale nous met un peu de pression. En 2017, nous avons voulu créer une boîte faite à la main pour présenter l’un de nos cocktails, mais lorsque les artisans ont compris que leur création serait utilisée pour contenir de l’alcool, ils ont refusé de nous aider pour des raisons religieuses ». Il faut sans cesse jongler pour offrir aux clients un savoir-faire de qualité au bar. Cependant, Osman voit toujours le verre à moitié plein. « L’adversité rend créatif, et trouver des solutions est l’un des principaux outils dans l’arsenal d’un bartender. Le fait de surmonter ce genre de situation nous permet d’apprécier vraiment nos succès ».

Alors, qu’est-ce qui fait l’hospitalité turque ? Pourquoi est-ce que la Turquie suscite l’admiration depuis la nuit des temps ? « Tout est une question de détails, et d’offrir aux clients un certain confort sans même qu’ils le sachent », insiste Osman. « Une anecdote explique parfaitement l’hospitalité turque : les clients dorment toujours sur les lits, les hôtes dorment toujours sur les canapés. L’idée est profondément ancrée en nous qu’il faut renoncer à notre confort pour héberger l’autre le mieux possible. C’est pourquoi je fais attention aux détails pour donner ce sentiment à nos clients ». Cette forte conviction est transmise chaque jour à l’équipe d’Osman. « L’hospitalité commence par les personnes que vous embauchez. On peut leur apprendre à servir, mais pas à être quelqu’un de bien. L’hospitalité est un sentiment qui doit venir du fond du cœur, et il faut la donner sans retenue. Ça ne se simule pas. Notre devise est que nous ne vendons pas, nous servons. Vous pouvez acheter un cocktail dans n’importe quel établissement, mais vous ne pouvez pas acheter la véritable hospitalité. Les gens peuvent oublier ce qu’ils boivent ou mangent dans votre bar, mais ils n’oublieront jamais ce qu’ils ont ressenti quand ils étaient là ».

Carlo Carnevale